Côte d’Ivoire : Ces prisonniers dont Gbagbo a demandé la libération à Ouattara
Les retrouvailles
entre Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara ont été pour le moins
cordiales ce mardi 27 juillet soir à Abidjan. Politiquement, la seule
revendication concrète portée par Laurent Gbagbo a été, comme attendu,
celle de la libération des prisonniers considérés comme « politiques » par
l’opposition.
Une
embrassade pour les photographes, quelques pas main dans la main et une
conférence de presse tout sourire : plus de dix ans après leur dernière
rencontre et la crise post-électorale qui a ensanglanté la Côte
d’Ivoire, le défi d’une rencontre apaisée a été relevé pour les deux
hommes. Mais l’ancien président a néanmoins soulevé la question des
prisonniers « politiques ».
« J’étais
leur chef de file et moi je suis dehors aujourd’hui. Eux, ils sont en
prison. Et j’aimerais que le président fasse tout ce qu’il peut pour les
libérer », a déclaré Laurent Gbagbo à la presse à l’issue de sa
rencontre avec Alassane Ouattara.
110 noms
Accompagné
de trois fidèles, Georges-Armand Ouegnin, Assoa Adou et Hubert Oulaye,
l’ancien président a remis à son successeur une liste de 110 noms. Les
29 plus anciens sont en prison depuis la crise post-électorale de
2010-2011 et n’ont pas bénéficié de l’amnistie présidentielle d’août
2018.
Les
autres sont des personnes arrêtées en 2019 lors de tensions politiques
dans le pays, ou lors de la contestation du troisième mandat d’Alassane
Ouattara en octobre 2020. On y trouve aussi Soul-to-Soul, le bras droit
de Guillaume Soro, récemment condamné à 20 ans de prison. Enfin, 6
personnes arrêtées le 17 juin dernier en marge du retour au pays de
Laurent Gbagbo.
Cette
initiative est saluée par les associations de proches de détenus, elles
estiment toutefois que le nombre de prisonniers qu’elles qualifient
« d’opinion », est plus important que cela. Elles espèrent désormais un
geste politique de la part du président Ouattara.
Désirée
Douati, présidente de l’Association des femmes et familles des détenus
d’opinion (Affdo-Ci), espère que le plaidoyer de Laurent Gbagbo pour les
libérations de détenus sera entendu par le président Ouattara. Pour
elle, le fait que la question ait été portée à la présidence est un bon
début
Elle
n’est pas complète, cette liste. Elle ne prend pas en compte tout le
monde. Nous sommes à plus de 300 personnes encore en détention.
Nous
sommes satisfaits, oui, on peut le dire, que le président Laurent
Gbagbo ait demandé la libération des détenus d’opinion, mais nous serons
encore plus satisfaits si cette demande avait une exécution favorable.
Nous attendons du président Alassane Ouattara qu’il puisse libérer tous
les détenus d’opinion. Aujourd’hui, il y a 400 personnes qui sont
détenues pour leurs opinions en Côte d’Ivoire, et nous pensons que pour
une vraie réconciliation, il serait bon que toutes ces personnes
puissent recouvrer leur liberté.
Pour
Désirée Douati, le chiffre de 110, annoncé par Laurent Gbagbo ne
correspond pas à la réalité. Selon elle, beaucoup de militants provenant
d’autres bords politiques doivent également être pris en compte.
Elle
n’est pas complète, cette liste. Elle ne prend pas en compte tout le
monde. Nous sommes à plus de 300 personnes encore en détention. Donc la
liste des 110 personnes prend certainement en compte les militants du
front populaire ivoirien [FPI, mouvement de Laurent Gbagbo]. Mais en
dehors des militants du FPI, il y a des militants du PDCI-RDA, il y a
des proches de monsieur Guillaume Soro, qui sont encore en détention, il
y a même des personnes qui n’appartiennent pas forcément à un parti
politique. Mais il y a aussi le fait que la détention préventive en Côte
d’Ivoire est de 18 mois et nous avons des personnes qui sont en
détention depuis neuf ans sans avoir vu de juge. Donc là, nous entrons
dans un cas de figure où il y a « violation » de leurs droits.
Dans
son dialogue avec les autorités, l’Affdo-Ci tente de faire entendre ces
revendications, mais avec un sentiment mitigé quant au retour de leur
part.
Nous
sommes écoutés, mais nous ne sommes plus au stade de l’écoute. Nous
voulons vraiment qu’il y ait un pas réel qui soit fait, qu’il y ait une
action politique qui soit prise par le chef de l’État. Parce que
l’amnistie de 2018 – l’ordonnance d’amnistie qui a été prise en 2018, et
pour laquelle nous réitérons nos remerciements au chef de l’État – n’a
pas été générale. Et nous voulons aujourd’hui une action politique qui
permettra la libération générale de tous les prisonniers. Nous espérons
que ce soit une ordonnance d’amnistie, ou une grâce présidentielle, qui
permettra la libération de tous les prisonniers d’opinion.