Conseil Constitutionnel : Les nouveaux visages des 7 sages
Pendant plusieurs
mois, suite au décès Madame Bousso Diao Fall et la fin de deux autres
membres, le Conseil constitutionnel a fonctionné délesté de près de la
moitié (trois sur les sept Sages) de ses éléments constitutifs. Une
situation qui a longtemps animé les débats dans les médias et suscité
moult polémiques dans la classe politique et la Société civile, et qui
vient de connaitre son épilogue hier, avec la nomination des nouveaux
membres de la plus haute instance du système judiciaire, dont les
décisions ne sont susceptibles d’aucune voie de recours et s’imposent
aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et
juridictionnelles (article 92, alinéa 3 de la Constitution). eMedia vous
présente les nouveaux 7 Sages.LA COMPOSITION
Créé
le 30 mai 1992 (loi de révision 92-22), dans la foulée de la
suppression de la Cour Suprême, le Conseil constitutionnel sénégalais
présente beaucoup de similitudes avec celui français et a fait l’objet
de plusieurs modifications au fil des années. Passé de 5 à 7 membres
depuis le référendum du 20 mars 2016, le Conseil, partiellement
renouvelé tous les deux ans, à raison d’un ou deux membres, compte cinq
membres simples, un président et un vice-président nommés par décret du
Chef de l’Etat pour un mandat de 6 ans non renouvelables. Ils sont tous
nommés parmi les Professeurs titulaires de Droit, les Avocats, les
Inspecteurs généraux d’Etat et les hauts magistrats ayant exercé les
fonctions de premier président de la Cour suprême, de Procureur général
près la Cour suprême, de président de Chambre à la Cour suprême, de
premier président de la Cour d’Appel ou de Procureur général près la
Cour d’Appel. En activité ou à la retraite, les personnalités visées
doivent présenter une ancienneté d’au moins 20 ans dans la fonction
publique ou dans leur activité professionnelle.
LE STATUT
Dans
le souci de garantir leur indépendance, la Constitution a prévu un
mandat unique de six ans, sans possibilité d’y mettre un terme avant son
expiration que sur demande du concerné, ou une incapacité physique et
sur avis conforme du Conseil, selon l’article 89 de la Constitution. À
noter toutefois qu’un membre nommé pour terminer le mandat d’un autre
membre peut, à l’expiration dudit mandat, être nommé pour un autre
mandat complet (6 ans) et unique (non renouvelable).
LES MEMBRES
1 – Pape Oumar SAKHO, président
Nommé Président du Conseil constitutionnel le 26 juin 2015, après le
décès de Cheikh Tidiane Diakhaté, dont il a terminé le mandat, Pape
Oumar Sakho a été reconduit le 12 août 2016 et verra donc son mandat
complet arriver à son terme dans un an. De quoi dire que les
spéculations sur son remplaçant vont très bientôt occuper les débats.
Juge
d’instruction et président du tribunal du travail à Tambacounda, juge
au tribunal régional de Kaolack et au tribunal hors classe de Dakar,
conseiller à la Cour d’appel de Dakar, Président de la Cour Suprême, le
juge Sakho jouit d’une expérience d’une quarantaine d’années dans les
cours et tribunaux du Sénégal, avec quelques incursions au sein du
pouvoir exécutif : Directeur des Affaires civiles et des grâces et
Directeur de Cabinet au ministère de la Justice. En 2015, il cède son
fauteuil à la Cour Suprême à Mamadou Badio Camara, qui le rejoint, six
ans plus tard, au Conseil constitutionnel. Avant de le remplacer à
nouveau à la présidence ? Les jeux sont ouverts…
2 – Saïdou Nourou TALL, vice-président
Membre du Conseil depuis le 19 mai 2017, Saidou Nourou Tall, professeur
des universités, titulaire de chaire en Droit public et Sciences
politiques est passé vice-président de l’institution à la faveur de la
fin de mandat de Ndiaw Diouf, qui a intégré le Conseil en juin 2015,
avant d’en être vice-président en décembre 2018.
Professeur
titulaire de Droit public à l’Université Cheikh Anta Diop (UCAD) de
Dakar, M. Tall est un juriste réputé et un professeur respecté, dont la
thèse, soutenue le 6 janvier 2001, a porté sur le thème suivant :
« Théories et réalités du droit humanitaire international : contribution à
l’application du Droit des Conflits Armés en Afrique Noire
Contemporaine. »
Spécialiste
de jurisprudences et théorie générale des différends africains,
l’enseignant a, lors de sa nomination en 2017, évoqué « une grande
responsabilité. Une grande joie. Une grande charge. Quand on juge la
Constitution, il y a toujours des passions. Il y a des gens qui vont
être d’accord sur ce que vous faites. Il y aura d’autres qui vont
critiquer ce que vous êtes en train de faire. Mais dans toute chose, il
faut regarder Dieu. Et savoir aussi qu’on est là pour le peuple
Sénégalais ».
3 – Mamadou Badio CAMARA, nouveau membre futur président ?
Pour plusieurs observateurs, la voie est toute tracée pour Mamadou Badio
Camara. Le désormais ex président de la Cour suprême, poste où il a
remplacé l’actuel président du Conseil constitutionnel, Pape Oumar
Sakho, est un personnage clivant, qui n’a pas froid aux yeux quand il
s’agit de monter au créneau pour défendre ses positions et actes.
Jugé
partial par plusieurs opposants, notamment Khalifa Sall, Abdoul Mbaye
et Karim Wade qui en 2018 le disqualifiait dans le traitement du dossier
relatif au rejet de son inscription sur les listes électorales, Mamadou
Badio Camara s’arc-boute toujours sur l’argument d’un « système
judiciaire fondé sur la primauté du droit » qui, à ses yeux, prévaut au
Sénégal.
Malgré
les polémiques qui émaillent les dernières foulées de sa carrière, le
juge Camara jouit d’un parcours professionnel impressionnant, entamée à
sa sortie de la section Magistrature de l’ENAM en 1977, entre les
fonctions dans les tribunaux de grande instance, les missions à
l’international et les positions occupées dans la haute hiérarchie de la
justice sénégalaise.
À
propos des 7 sages, il disait ceci, il y a deux ans et demi, quand ils
faisaient l’objet de critiques sur le parrainage : Les magistrats
sénégalais sont quotidiennement attaqués à tort mais ils sauront
résister. Ils feront face aux intimidations d’où qu’elles viennent. Ces
magistrats sont en phase avec l’exigence de leur métier qui est
« l’application de la loi sans haine sans crainte ». Ils exercent leurs
responsabilités dans un processus, au demeurant fiable et sécurisé, qui a
permis en 2000 et en 2012 deux alternances au sommet de l’Etat de
manière démocratique et pacifique. Nous leur renouvelons toute notre
confiance et nous le disons haut et fort : nul n’a le monopole du
patriotisme ! Personne ne doit oublier que les juges sont aussi des
citoyens soucieux à la fois du présent, du devenir, de l’avenir de leur
pays et, par voie de conséquence, des patriotes à part entière »,
déclarait-il haut, fort et… prémonitoire ?
4 – Aminata Ly NDIAYE, la voix féminine
Nommée ce lundi 26 juillet 2021, au même titre que deux autres membres
venus compléter la composition du Conseil constitutionnel, Madame
Aminata Ly Ndiaye remplace Madame Bousso Diao Fall, décédée au mois de
janvier dernier.
De
fait, elle devient ainsi la seule femme membre de l’instance et la
troisième femme à intégrer le club des Sages, après celle qu’elle a
remplacée et feue Mireille Ndiaye (mère de Sibeth Ndiaye), qui avait
reçu le serment de Me Abdoulaye Wade, élu président en 2000.
Conseillère
à la Cour suprême alors qu’elle occupait la fonction de Président par
intérim du Tribunal de grande instance hors classe de Dakar, Aminata Ly
Ndiaye a été nommée, il y a un an, Premier président de la Cour d’appel
de Thiès.
Récemment,
elle a participé à la rédaction du rapport de l’Inspection générale de
l’administration de la justice (IGAJ) dans l’affaire opposant le juge
Yaya Amadou Dia et le Premier président de la Cour d’appel de Kaolack,
Ousmane Kane. Précédemment Premier Président de la Cour d’Appel de
Thiès, Aminata Ly Ndiaye verra ce mandat qu’elle se terminer en 2023,
puisque Bousso Diao Fall avait été nommée en mai 2017.
5 – Youssoupha Diaw MBODJI, nouveau membre
Il
partage le décret de nomination n°2021-982 du 26 juillet 2021 avec M.
Mamadou Badio Camara. Youssoupha Diaw Mbodji, ancien Premier Avocat
général près la Cour suprême intègre le Conseil constitutionnel après
les départs pour fin de mandat de Ndiaw Diouf et Mandiogou Ndiaye,
nommés le 26 juin 2015. Youssoupha Diaw Mbodji, qui a fait ses classes
dans la Magistrature debout, est un ancien Procureur général de la Cour
d’appel de Dakar et ancien Premier Avocat général à la Cour Suprême en
2008, à l’instar de Mamadou Badio Camara.
Lors
de son passage à la Cour d’Appel, M. Mbodj, qui en fut le Procureur
général, s’était notamment illustré par un mandat d’amener, en juin
2012, contre l’avocat et ancien ministre de l’intérieur, Ousmane Ngom,
dans le cadre de la traque des biens mal acquis. Un épisode qui avait
dressé l’ordre des avocats contre sa décision de faire cueillir Me Ngom
d’un hôtel à Kolda, par les éléments de la redoutable Brigade
d’intervention polyvalente de la police (BIP).
6 & 7 – Mouhamadou DIAWARA et Abdoulaye SYLLA, membres maintenus
De l’ancienne équipe des sept Sages, ils étaient les nouveaux venus. MM.
Diawara et Sylla ont intégré le Conseil constitutionnel le 6 décembre
2018, nommés par décret n°2018-2126 et leur mandat n’arrivera à son
terme qu’en 2024. Mouhamadou Diawara a occupé les postes de président de
la Chambre civile et commerciale, puis de la Chambre administrative à
la Cour suprême.
Pour sa part, Abdoulaye Sylla, inspecteur général d’État, est un ancien président du Conseil de régulation de l’Autorité des marchés publics (ARMP). Un poste qu’il a quitté avec fracas, en démissionnant suite à des désaccords profonds avec le Directeur général Saër Niang. Auparavant, en 2004, il a dirigé le Bureau de Suivi et de Coordination des Inspections internes à la Primature