« Il fallait écarter un homme gênant » : Laurent Gbagbo revient sur son jugement par la CPI
De retour dans son
village natal de Mama, dans le centre-ouest de la Côte d’Ivoire,
l’ancien président Laurent Gbagbo a évoqué, lundi, son jugement par la
Cour pénale internationale.
« Je
ne suis pas un criminel. » Pour la première fois depuis son retour en
Côte d’Ivoire, l’ancien président Laurent Gbagbo a parlé, lundi 28 juin,
de son jugement et de son acquittement par la Cour pénale
internationale (CPI), affirmant qu’il avait été envoyé à La Haye car « il
fallait écarter un homme gênant ».
« La
CPI, ce n’était pas sérieux, il fallait écarter un homme gênant, un
concurrent gênant, alors on m’a mis là-bas », a déclaré Laurent Gbagbo à
son domicile de Mama, son village natal dans le centre-ouest de la Côte
d’Ivoire.
Mais,
a-t-il ajouté devant des chefs traditionnels, des cadres de son parti
et la presse, « je ne regrette pas, parce que si j’étais revenu avec un
titre de criminel, c’est vous tous ici qui alliez avoir honte ».
Laurent
Gbagbo a été définitivement acquitté, fin mars, par la CPI, où il était
notamment accusé de crimes contre l’humanité, ce qui a permis son
retour en Côte d’Ivoire.
« Même
les blancs qui ne nous connaissent pas, qui suivent nos petites
querelles ici, ont su que je (n’étais) pas un criminel. Moi je fais
tout, hein, mais je ne suis pas un criminel », a affirmé Laurent Gbagbo
sous les rires de l’assistance.
Il
s’exprimait à l’issue d’une rencontre avec des chefs traditionnels
majestueusement drapés dans des pagnes colorés venus de toutes les
contrées de son fief du centre-ouest, qui lui ont confié une mission de
« réconciliation ».
« Réconciliation totale »
« C’est
sa présence qu’on attendait pour la réconciliation. Il faut qu’il
s’appuie sur sa popularité pour appeler le peuple ivoirien à la
réconciliation totale », a déclaré à l’AFP Joseph Goli Obou, le « chef des
terres » de Mama, une autorité locale, entouré de notables.
Ces
chefs traditionnels devraient également participer à une cérémonie
destinée à le « purifier », comme le veut la tradition de son ethnie bété
pour quelqu’un qui a été emprisonné et libéré.
« Mardi,
quand je vais le purifier, je vais lui demander d’être au service de la
réconciliation, que ses premiers mots à la nation aillent dans le sens
de la réconciliation », a affirmé le « chef des terres », affirmant être
mandaté par ses pairs pour cette cérémonie.
« En
pays bété, lorsqu’un membre de la famille sort d’une situation
difficile, on lui fait une purification. Celle-ci consiste à le laver au
seuil de sa porte très tôt le matin, avant le lever du soleil, avec une
mixture à base de rameaux et de feuilles traditionnelles Kpobrai et
Titai », explique le chef septuagénaire.
Sur
la place publique de Mama, des habitants du village ont attendu en
vain, en dansant et en chantant, que l’ex-président vienne leur parler.
« Gbagbo est venu pour rendre la paix dans la nation », s’exclame Brigitte
Koudou, venue du village mitoyen de Zébizékou.
« Je
suis en joie, cette journée est particulière. Le président Gbagbo est
libre. On veut l’entendre, qu’il dise seulement un seul mot », déclare de
son côté Béatrice Djédjé, venue de Kpakpékou, un rameau en « signe de
paix et de réconciliation » à la main.
Plusieurs
milliers de personnes lui ont réservé, dimanche, un accueil triomphal à
Mama, dix jours après son retour à Abidjan. Un retour qui n’a donné
lieu à aucun incident, contrairement à son arrivée le 17 juin à Abidjan,
marquée par de nombreux accrochages entre les forces de l’ordre et ses
partisans qui voulaient l’accueillir près de l’aéroport.
Laurent
Gbagbo, au pouvoir depuis 2000, avait été arrêté en avril 2011 à
Abidjan, puis transféré sept mois plus tard à la CPI afin d’y être jugé
pour les violences commises à la suite de la présidentielle de fin 2010.
Son refus de reconnaître sa défaite face à Alassane Ouattara avait
provoqué une crise post-électorale sanglante ayant fait 3 000 morts.
Réélu
en octobre 2020 pour un troisième mandat controversé, Alassane Ouattara
a donné son feu vert au retour de Laurent Gbagbo quelques jours après
son acquittement.