Mort d’Idriss Déby : le sort du Sahel suspendu au devenir du Tchad
Les funérailles d’Idriss Déby se sont tenues, vendredi 23 avril, à N’Djamena, en présence d’une douzaine de chefs d’État dont Emmanuel Macron. « La France, a rappelé le président français, ne laissera jamais personne (…) remettre en cause la stabilité et l’intégrité du Tchad. » Il a aussi appelé le conseil militaire de transition (CMT) que préside Mahamat Déby, fils d’Idriss Déby, à promouvoir la « stabilité, l’inclusion, le dialogue, la transition démocratique ».
Dans l’ensemble du Sahel, l’annonce, il y a une semaine, de la mort de l’homme fort du Tchad a jeté la consternation. « Pour les jeunes Burkinabés, reconnaît Serge Bayala, membre du mouvement “Balai citoyen” au Burkina Faso, Idriss Déby était perçu, depuis ses propos contre le franc CFA et en raison des performances de ses troupes au Mali, comme un leader africain aux positions courageuses. »
Le virage sahélien du Tchad
Depuis
dix ans, le Tchad a opéré un virage sahélien. L’ancien président avait
projeté une partie de son armée, maîtresse dans le combat de sable, vers
l’Afrique de l’Ouest. « Le gouvernement burkinabé était en phase avec
Idriss Déby, qui a apporté une aide militaire conséquente contre le
terrorisme », explique l’analyste politique Siaka Coulibaly. Pour lui,
depuis la chute de l’ancien président burkinabé Blaise Compaoré en 2014,
« Idriss Déby est devenu le seul capable de faire régner la loi dans le
Sahel ».
C’est ainsi que, à la mi-février, 1 200 soldats
tchadiens avaient été déployés dans la zone des trois frontières, aux
confins du Mali, du Niger et du Burkina Faso. « Nous sommes inquiets,
car la possibilité existe que ce contingent reparte », confie, sous le
couvert de l’anonymat, un cadre de l’armée burkinabé. « Ce qui arrive
peut poser des problèmes à toute la sous-région. Le Tchad est un verrou,
et s’il est fragilisé, ce n’est pas bon pour les arrières, qu’il
s’agisse de nous, de la Libye ou de l’est. »
Des premières semaines de transition décisives
La
situation interne des pays du G5 Sahel – Mauritanie, Mali, Burkina
Faso, Niger et Tchad – fait trembler la coalition. « C’est un édifice
avec pas mal de fissures, déplore Salimata Nébié, du laboratoire d’idées
Burkina International. Il y a des millions de déplacés, des attaques à
répétition, des économies à terre… Les pays sahéliens doivent montrer
leur capacité à encaisser, à réagir et à anticiper. Quoi qu’on en dise,
le Tchad était un pivot, mais il ne peut faire face à une rébellion
intérieure tout en continuant à se battre seul sur tous les fronts. Il
faut une solidarité régionale. »
L’équilibre régional dépendra de la capacité de Mahamat Déby à répondre aux reproches que les Tchadiens adressaient à son père, tout en maintenant sa politique extérieure. « Le scénario le plus probable, estime Siaka Coulibaly, est qu’il tiendra compte de la demande d’alternance politique en ne s’imposant pas à la tête de l’État, mais en gardant la main sur l’armée. »
Samedi
24 avril, Mahamat Mahadi Ali, chef du Front pour l’alternance et la
concorde au Tchad (Fact), le groupe rebelle accusé d’avoir tué Idriss
Déby, a assuré à l’AFP qu’il était « disponible à observer un
cessez-le-feu », mais que ses troupes continuaient de se faire bombarder
par l’armée tchadienne. Il s’est déclaré « sur la même longueur d’onde
que l’opposition et la société civile » qui réclament l’instauration
d’une transition dirigée par les civils à travers un « dialogue inclusif
».