Côte d’Ivoire – Hamed Bakayoko : « Il est parti trop tôt »
L’onde de choc est terrible en Côte d’Ivoire et bien au-delà. De tout le continent, les hommages affluent.
Les réactions se succèdent depuis l’annonce de la mort du Premier ministre de Côte d’Ivoire. Hamed Bakayoko est mort mercredi 10 mars à l’âge de 56 ans dans un hôpital de la ville de Fribourg en Allemagne des suites d’un cancer, huit mois après le décès de son prédécesseur, Amadou Gon Coulibaly. Après plusieurs jours de rumeurs depuis son évacuation à Paris à son transfert en Allemagne, le président Alassane Ouattara a rapidement confirmé la triste nouvelle dès mercredi soir. « Je rends hommage au Premier ministre Hamed Bakayoko, mon fils et proche collaborateur, trop tôt arraché à notre affection », a déclaré le chef de l’État dans communiqué lu à la télévision publique RTI. Il a servi la Côte d’Ivoire « avec dévouement et abnégation, c’était un grand homme d’État, un modèle pour notre jeunesse, une personnalité d’une grande générosité et d’une loyauté exemplaire », a-t-il ajouté.
La Côte d’Ivoire entre choc et condoléances
Hamed Bakayoko, surnommé « HamBak » par les Ivoiriens, qui était également ministre de la Défense, avait été évacué en France le 18 février par avion spécial pour « raisons de santé », avant d’être transféré dans un hôpital en Allemagne le week-end dernier, au moment où se tenaient les élections législatives dans son pays. Malgré son absence, il a été très largement réélu député dans son fief de Séguéla (nord). Avant son départ pour Paris, cet homme de forte carrure, populaire et bon vivant n’avait pas été vu en public depuis deux semaines, mais ses proches le disaient très amaigri.
Apprécié dans tous les camps d’un pays marqué par de fortes tensions politiques, il était perçu comme un possible successeur du président Ouattara, et ses opposants ont tenu à saluer sa mémoire. « C’était un homme de conviction, qui avait une ambition pour les jeunes », a déclaré N’Goran Djedri, un des dirigeants du premier parti d’opposition, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI). « Il est parti trop tôt. »
Charles Blé Goudé, qui a longtemps été un pilier des partisans de l’ancien président Laurent Gbagbo, rival acharné d’Alassane Ouattara, a été l’un des premiers à lui rendre hommage depuis son exil en Europe. « Nous étions, certes, adversaires politiques, mais je retiens de lui un homme qui aura été loyal à son mentor jusqu’au bout, un repère et un soutien pour de nombreux jeunes Ivoiriens », a-t-il déclaré à l’AFP.
Dans un communiqué publié hier soir, l’ex-président de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro rend hommage à un « frère ». « Je partage le deuil sincère du peuple ivoirien qui garde de l’illustre disparu, qui fut longtemps mon proche collaborateur et conseiller spécial, l’image d’un homme généreux, ouvert et proche de ses concitoyens », écrit l’ancien rebelle, ajoutant que « les circonstances de la vie, hélas, nous ont conduits à emprunter des parcours politiques différents, opposés et quelquefois conflictuels mais nous avons su, par-dessus tout, garder et préserver notre fraternité et notre affection réciproques ».
« Un précieux intermédiaire entre le régime et les autres couches sociopolitiques disparaît », a réagi Pascal Affi N’Guessan, président FPI. « C’est avec une grande consternation qu’on apprend cette mauvaise nouvelle qui constitue pour le pays une très grande perte. Lorsqu’on sait la fonction qu’occupait l’illustre disparu dans l’appareil d’État, alors que nous venons de perdre un premier Premier ministre il n’y a pas longtemps, c’est comme si le sort s’acharnait sur le pays », a-t-il ajouté. Même son de cloche chez George-Armand Ouegnin, président de la coalition de l’opposition EDS. « Je suis profondément bouleversé par ce décès du Premier ministre. Je voudrais présenter mes condoléances à sa famille politique, à sa famille biologique et au gouvernement. Il a conduit le dialogue politique qui a permis des élections inclusives. »
Hommage du monde de la culture et des médias
Le monde de la musique populaire ivoirienne, qu’appréciait Hamed Bakayoko, s’est également montré attristé par son décès. « En dehors du fait qu’il ait été un grand homme politique, je perds personnellement un grand frère, un ami et un parrain. Il a été un (?) grand amoureux de la musique », a réagi Asalfo, du célèbre groupe Magic System. Mécène, le nom d’Hamed Bakayoko était régulièrement cité dans les chansons d’artistes d’horizons divers, dans la pure tradition du « libanga ». Innoss’B, chanteur originaire de Goma, dans l’est de la RDC, lui avait fait une de ces dédicaces dans son morceau « Olandi ».