Troubles au Sénégal: le médiateur de la République appelle Macky Sall à «écouter la jeunesse»
Le climat est toujours très tendu au Sénégal, secoué depuis
mercredi par des manifestations qui ont fait au moins 5 morts confirmés,
avec le décès d’un jeune homme dans la région de Kolda samedi, confirmé
par la gendarmerie. Des troubles qui font suite à l’arrestation
d’Ousmane Sonko pour « troubles à l’ordre public ». L’opposant est
accusé de viol dans une première procédure. Une coalition de partis et
de mouvements de la société civile a lancé un appel à de nouvelles
manifestations pacifiques à partir de demain lundi. Le pays retient son
souffle.
Les cours seront suspendus dans
les écoles et universités toute la semaine prochaine, « pour des raisons
de sécurité », selon le gouvernement. Plusieurs entreprises ont déjà
annoncé qu’elles resteraient fermées avec ce lundi, cet appel, donc, à
de nouvelles manifestations pour 3 jours lancé par le nouveau «
mouvement de défense de la démocratie » ; mais aussi, en parallèle, la
convocation d’Ousmane Sonko au palais de justice de Dakar. D’après l’un
de ses avocats joint cet après-midi, l’opposant –qui est toujours en
garde à vue- est convoqué pour 2 affaires : il sera déféré au Parquet
pour « troubles à l’ordre public » et il comparaîtra devant le doyen des
juges d’instruction dans la procédure concernant l’accusation de viol.
Dans
ce contexte extrêmement tendu, les réactions se multiplient. Le khalife
général des Mourides a interdit les manifestations à l’intérieur de
Touba, ville sainte pour la confrérie. Du côté des politiques, on peut
citer la déclaration de Karim Wade, le fils de l’ancien président exilé
au Qatar, qui dénonce une « escalade de la violence d’État ». De plus en
plus de voix aussi pour appeler le président Macky Sall à s’exprimer.
Le chef de l’État « doit reprendre vite la main, parler au peuple vite
et prendre des décisions pour répondre à cette crise inédite », estime
notamment le défenseur des droits humains Alioune Tine ; le président
silencieux depuis le début des évènements mercredi.
Le
médiateur de la République a par ailleurs appelé le président Macky
Sall à s’exprimer. Alioune Badara Cissé, membre du parti au pouvoir mais
personnalité réputée indépendante, met en garde face à une escalade.
Pour lui, « il faut écouter la jeunesse »
«
J’ai vu une jeunesse sans espoir, jeunesse qui ne sait plus à quel saint
se vouer et si nous n’y prenons garde, le couvercle va sauter
éminemment. On ne nous a pas confié ce pays pour que nous nous croisions
les bras. On nous l’a confié pour que nous puissions proposer des
méthodes alternatives de gestion, que nous puissions répondre à ceux-là
qui, il y a douze ans bientôt, nous ont confié leur sort. Mais je dois
avouer avec vous que nous nous sommes écartés de ces objectifs. Cette
jeunesse est rappelée à notre souvenir. »
«
Nous avons le devoir de marquer une pause et de les écouter. Arrêtez de
les menacer et de les terroriser. Ça ne passe pas. La pandémie est
passée par là. Cela va dans tous les sens et nous sommes au bord de
l’apocalypse. Excellence monsieur le président de la République, nous
sommes à votre disposition pour vous écouter et tendre votre parole mais
c’est la vôtre que le peuple veut entendre. Faites-le avant qu’il ne
soit trop tard », a déclaré Alioune Badara Cissé, médiateur de la
République, devant la presse, ce dimanche 7 mars.
Les
signaux des chaînes de télévision privées Sen Tv et Walfadjiri ont été
rétablis ce dimanche après-midi, comme cela était prévu après la période
de suspension de 3 jours. Des chaînes accusées par le Conseil de
régulation de l’audiovisuel d’avoir diffusé des « appels à
l’insurrection » aux premiers jours des manifestations.
Par
ailleurs, la situation au Sénégal fait une nouvelle fois réagir la
Cédéao. L’organisation ouest-africaine « exprime ses vives
préoccupations » avant les nouvelles manifestations annoncées, et
appelle « au calme et à la retenue toutes les parties prenantes pour une
issue rapide et pacifique ».