Tribune commune: Macky, Macron, Merkel et Cie, un chœur pour plus solidarité
Les président Macky Sall, Emmanuel Macron, Angela Merkel, Antonio Guterres (secrétaire général de l’ONU), Ursula von der Leyen (Présidente de la Commission européenne) et Charles Michel (Président du Conseil européen), ont signé une tribune commune. Dans celle-ci, ils appellent à l’érection d’un multilatéralisme plus solidaire en ces temps de crise. Ci-dessous l’intégralité du texte.
Le
8 septembre 2000, 189 pays signaient la déclaration du Millénaire,
dessinant les principes de la coopération internationale pour une
nouvelle ère de progrès autour d’objectifs communs. Au sortir de la
guerre froide, nous avions confiance dans notre capacité à bâtir un
ordre multilatéral qui permette de faire face aux grands enjeux de
l’époque, comme la faim et l’extrême pauvreté, la dégradation de
l’environnement, les maladies et les chocs économiques, et de prévenir
les conflits. Au mois de septembre 2015, tous les pays ont de nouveau
pris l’engagement de relever ensemble les défis mondiaux par
l’intermédiaire du Programme de développement durable à l’horizon 2030.
Notre monde a connu des évolutions contradictoires, conduisant à une
augmentation de la richesse à l’échelle planétaire tandis que dans le
même temps, les inégalités persistaient ou s’accentuaient. La démocratie
a gagné du terrain en parallèle à la résurgence du nationalisme et du
protectionnisme. Au cours des dernières décennies, deux crises majeures
ont bouleversé nos sociétés et fragilisé nos cadres d’action communs,
semant le doute sur notre capacité à surmonter les chocs, à lutter
contre leurs causes structurelles et à garantir un avenir meilleur aux
générations futures. Elles nous ont également rappelé à quel point nos
destins sont liés.
Pour préparer l’avenir, nous devons apporter des réponses inédites et
ambitieuses aux crises les plus graves. La crise que nous traversons
actuellement peut, nous en sommes convaincus, être l’occasion de forger
un nouveau consensus au service d’un ordre international fondé sur le
multilatéralisme et l’état de droit grâce à une coopération efficace, à
la solidarité et à la concertation. Dans cet esprit, nous sommes
déterminés à travailler ensemble avec les Nations unies, les
organisations régionales, les enceintes internationales comme le G7 et
le G20 et des coalitions ad hoc pour relever les défis mondiaux
d’aujourd’hui et de demain.
Étendre l’accès aux tests, aux traitements et aux vaccins
L’urgence est d’abord sanitaire. La crise du Covid-19 met à l’épreuve
la solidarité internationale comme jamais auparavant. Elle nous a
rappelé une évidence : face à une pandémie, la chaîne de notre sécurité
sanitaire est aussi solide que son maillon le plus faible. Partout, le
Covid-19 menace la population et l’économie.
Cette pandémie exige une réponse internationale forte et concertée
pour étendre rapidement l’accès aux tests, aux traitements et aux
vaccins, étant entendu qu’une large couverture vaccinale est un bien
public mondial qui doit être accessible à tous à un prix abordable. A
cet égard, nous apportons notre soutien plein et entier à l’accélérateur
« ACT », dispositif inédit lancé par l’Organisation mondiale de la
santé (OMS) et les partenaires du G20 en avril 2020 pour accélérer
l’accès aux outils de lutte contre le Covid-19.
Pour atteindre son but, ce dispositif a besoin urgemment d’un soutien
politique et financier plus large. Nous encourageons également la libre
circulation des données entre les partenaires et l’octroi volontaire de
licences en matière de propriété intellectuelle. A plus long terme,
nous devrons procéder à une évaluation indépendante et globale de notre
réponse afin de tirer tous les enseignements de cette pandémie et de
mieux nous préparer à la perspective d’une éventuelle pandémie future.
L’OMS a un rôle crucial à jouer dans ce processus.
Mais l’urgence est aussi environnementale. Dans la perspective de la
COP26 de Glasgow (Ecosse), nous devons intensifier nos efforts pour
lutter contre le changement climatique et rendre nos économies plus
durables. En 2021, les pays représentant plus de 65 % des émissions
mondiales auront vraisemblablement pris des engagements ambitieux en
matière de neutralité carbone. L’ensemble des gouvernements, des
entreprises, des villes et des institutions financières doivent
désormais adhérer à la coalition mondiale pour parvenir à la neutralité
carbone, comme le prévoit l’accord de Paris, et commencer à agir en
mettant en œuvre des mesures concrètes.
Garantir des échanges commerciaux libres
La pandémie a provoqué la pire crise économique que le monde ait
connue depuis la seconde guerre mondiale. Il est absolument essentiel de
rebâtir une économie mondiale robuste et stable. En effet, la crise
actuelle menace d’anéantir les progrès accomplis depuis plus de vingt
ans dans la lutte contre la pauvreté et l’inégalité entre les femmes et
les hommes. Les inégalités menacent nos démocraties en portant gravement
atteinte à la cohésion sociale.
Il est certain que la mondialisation et la coopération internationale
ont permis à des centaines de millions de personnes de sortir de la
pauvreté, mais près de la moitié de la population mondiale rencontre
toujours des difficultés pour satisfaire ses besoins de base. Dans de
nombreux pays, le fossé entre riches et pauvres est devenu insoutenable,
les femmes ne bénéficient toujours pas des mêmes opportunités que les
hommes, et nombreux sont ceux qui ont besoin d’être rassurés quant aux
bienfaits de la mondialisation.
À l’heure où nous aidons nos économies à surmonter la pire récession
depuis 1945, notre priorité absolue demeure de garantir des échanges
commerciaux libres et fondés sur des règles, sans lesquels la croissance
solidaire et durable ne peut s’envisager, de renforcer l’Organisation
mondiale du commerce et de tirer pleinement parti du potentiel du
commerce international au profit de notre reprise économique. La
protection de l’environnement, de la santé et des normes sociales doit
être au cœur nos modèles économiques tout en permettant l’innovation
nécessaire.
Nous devons faire en sorte que la reprise mondiale bénéficie à tous. A
cet égard, nous devons accroître notre soutien aux pays en
développement, en particulier en Afrique, en nous appuyant sur des
partenariats existants comme le Pacte avec l’Afrique du G20, ou son
effort conjoint avec le Club de Paris dans le cadre de l’Initiative de
suspension du service de la dette. Il est essentiel d’aider davantage
ces pays à réduire le fardeau de leur dette et d’assurer le financement
durable de leurs économies en ayant recours à tout l’éventail des
instruments financiers internationaux, tels que les droits de tirage
spéciaux dans le cadre du Fonds monétaire international.
L’essor des nouvelles technologies constitue un atout précieux au
service du progrès et de la solidarité : il a permis de sauver des vies
pendant la pandémie et il contribue à l’ouverture et à la résilience des
personnes et des sociétés, des économies et des Etats. Pourtant, près
de la moitié de la population mondiale n’est pas connectée et ne peut
pas accéder aux avantages de ces technologies, et c’est aussi le cas
pour plus de la moitié des femmes et des filles.
Respect du pluralisme
Par ailleurs, l’incroyable puissance des nouvelles technologies peut
être détournée afin de limiter les droits et les libertés des citoyens,
de semer la haine ou de commettre des crimes graves. Nous devons tirer
profit des initiatives existantes et mobiliser les acteurs concernés
pour réguler efficacement l’Internet afin de créer un environnement
numérique sûr, libre et ouvert, dans lequel la circulation des données
soit sécurisée et les avantages soient démultipliés. En particulier pour
les personnes les plus défavorisées. Nous devons aussi traiter les
problématiques fiscales de la transformation numérique de l’économie et
lutter contre la concurrence fiscale dommageable.
Enfin, la crise sanitaire a interrompu les études de millions
d’écoliers et d’étudiants. Nous devons tenir la promesse de dispenser un
enseignement à toutes et à tous et permettre aux nouvelles générations
d’acquérir les compétences et les connaissances scientifiques de base,
mais également de développer leur curiosité envers d’autres cultures,
leur tolérance, ainsi que leur respect du pluralisme et de la liberté de
conscience. Les enfants et les jeunes sont notre avenir et leur
éducation est une nécessité.
Le multilatéralisme n’est pas juste une technique diplomatique parmi
d’autres pour répondre à ces enjeux. Il façonne un ordre mondial, une
manière bien particulière d’organiser les relations internationales, qui
s’appuie sur la coopération, l’état de droit, l’action collective et
des principes communs. Plutôt que d’opposer les civilisations et les
valeurs les unes aux autres, nous devons bâtir un multilatéralisme plus
solidaire, dans le respect de nos différences et de nos valeurs communes
inscrites dans la Déclaration universelle des droits de l’homme.
Le monde d’après le Covid-19 ne sera pas le monde d’avant. A nous de
tirer parti des différentes enceintes et possibilités, telles que le
Forum de Paris sur la paix, pour relever ces défis avec lucidité. Nous
invitons toutes les figures politiques, économiques, religieuses et
intellectuelles à contribuer à cette conversation mondiale.
Signataires :
Macky Sall, Président de la République du Sénégal, Emmanuel Macron, Président de la République française, Angela Merkel, Chancelière fédérale d’Allemagne, Antonio Guterres, Secrétaire général de l’ONU, Ursula von der Leyen, Présidente de la Commission européenne, Charles Michel, Président du Conseil européen.