Covid-19: en Afrique, une deuxième vague plus meurtrière que la première
Selon l’Africa CDC, le Centre de contrôle et de prévention des
maladies de l’Union africaine, le taux de mortalité lié à la pandémie de
coronavirus en Afrique dépasse maintenant la moyenne mondiale.
Vingt-et-un pays sont particulièrement touchés.
Selon
le CDC, 70% des malades du Covid-19 en Afrique sont recensés dans cinq
pays. L’Afrique du Sud, avec 41% des cas, est loin devant. Suivent le
Maroc, la Tunisie, l’Egypte et enfin l’Ethiopie. Mais « la grande
inquiétude » du CDC, d’après son directeur John Nkengasong, se fixe
aujourd’hui sur le taux de mortalité des malades.
Ce
taux de mortalité s’élève à 2,5% des cas recensés, pour une moyenne
mondiale qui s’établit à 2,2%. Le directeur de l’Africa CDC y voit un
tournant par rapport à la première vague, puisque ce taux était alors en
dessous de la moyenne mondiale. Parmi les pays concernés, le CDC cite
le Soudan avec un taux de mortalité de 6,2% des cas détectés, l’Egypte
(5,5%) ou encore le Liberia (4,4%).
Engorgement des systèmes de santé
Pour
le Centre de contrôle et de prévention des maladies, cette hausse est
liée à une accélération du nombre de cas de coronavirus détectés. Le
mois dernier, ce nombre a augmenté de 14% chaque semaine en Afrique.
Cette augmentation peut engorger les systèmes de santé de certains pays,
en raison d’une quantité limitée de lits et de matériel notamment.
«
Lorsque l’on constate une augmentation des décès quotidiens, cela
signifie que les systèmes de santé commencent à entrer dans une phase de
tension, explique John Nkengasong. Cela signifie aussi que l’on arrive à
un point où les infirmiers et les médecins voient se réduire leur
habilité à s’occuper des patients. A cause de cela, les soins commencent
à ne plus être à la hauteur, puisque l’on a moins de lits et moins de
matériel disponibles. »
Le directeur de
l’Africa CDC insiste : « l’Afrique a besoin d’une fourniture importante
d’oxygène, juste pour porter assistance aux cas existants sur le
continent. Cette surmortalité n’est pas nécessairement due aux nouveaux
variants de la maladie, c’est juste que nos systèmes de santé commencent
à être dépassés. J’ai entendu le directeur du CDC du Nigeria dire que
certains hôpitaux ont dû commencer à faire le tri entre les patients qui
seront traités et ceux qui ne le seront pas. Donc, la crise est là, la
deuxième vague est là, violemment, et nos systèmes de soins commencent à
être débordés. »
Une moyenne
Mais
un épidémiologiste exerçant en Afrique met en garde contre une trop
grande dramatisation : entre autres facteurs, selon lui, les chiffres du
CDC illustrent surtout une augmentation du « recrutement », selon le
terme consacré. C’est-à-dire qu’il y a par exemple plus de gens qui se
font hospitaliser aujourd’hui par rapport à la première vague. Ce qui
mécaniquement fait augmenter toutes les données statistiques.
Le
docteur Matshidiso Moeti, directrice de l’OMS en Afrique, rappelle par
ailleurs qu’il ne s’agit que d’une moyenne, qui ne s’applique pas à tous
les pays. Même s’il faut s’assurer que ces pays puissent mobiliser
suffisamment de soignants et avoir assez de fournitures. « En moyenne
nous ne pensons pas que le taux de mortalité soit vraiment pire
qu’ailleurs. Mais on doit veiller à ce que des soins de bases et de
qualité soient assurés, qu’il y ait assez d’oxygène – ce qui commence
d’ailleurs à être un problème à certains endroits – et s’assurer aussi
que les malades accèdent aux soins à temps. »
Quid des variants sur le continent ?
Mais
les experts s’inquiètent également de la circulation du variant
sud-africain sur le continent. Un SARS-Cov-2 mutant qui ne semble pas
plus dangereux mais qui se propage 1,5 fois plus facilement que le
coronavirus, selon de premières études. Jusqu’à
présent, le Botswana, la Zambie et la Gambie ont confirmé la présence du
variant sud-africain dans leur population, indique l’OMS. Mais
l’organisation estime qu’il pourrait circuler dans d’autres pays du
continent. La difficulté est de pouvoir détecter ce virus. Pour cela, il
faut pouvoir séquencer son génome, c’est à dire lire son code
génétique.
Et le séquençage reste un défi dans
de nombreux pays du continent comme le rappelle la directrice de l’OMS
en Afrique, Matshidiso Moeti. « Ce que nous faisons à l’OMS c’est de
travailler avec plusieurs pays en Afrique disposant de laboratoires qui
ont la capacité de séquencer les génomes et nous avons offert aux autres
pays d’envoyer leurs échantillons à ces laboratoires pour établir s’il
s’agit du variant et dire si ce virus circule ou non sur leur sol. En
même temps, nous les aidons aussi à développer leurs propres capacités
de séquençage. Ce qui va devenir de plus en plus important pour
surveiller le virus. »
La question est de
savoir si ce variant, comme ceux détectés en Angleterre ou au Brésil,
sont sensibles aux vaccins. Des études sont en cours, mais le docteur
Richard Mihigo, responsable des urgences et des vaccins à l’OMS Afrique
est optimiste : « Les premières indications montrent clairement que les
vaccins existants seront aussi efficaces contre certains de ces
variants ».
L’objectif de l’OMS reste de voir
20% de la population africaine vaccinée d’ici la fin de l’année. A ce
jour, le continent reste officiellement l’un des continents les moins
touchés par le Covid avec un peu plus de 3 millions de cas détectés, et
près de 82 000 morts.