Les ministres, les textes et la parole de Macky: «La loi c’est le président…»
Les ministres respectent-ils plus la parole du président que la loi ? En tout cas, les derniers épisode tendent à faire croire que oui.
En
2012, la gestion libérale était tellement émaillée par la déprédation
des deniers publics, que les sénégalais leur ont dépossédé du pouvoir.
Ils l’ont confié aux actuels dirigeants du pays. Sous leur magistère, le
pays a adopté la loi n° 2012-22 du 27 décembre 2012 portant code de
transparence dans la gestion des finances publiques et la loi sur la
déclaration de patrimoine.
Et le décret d’application de ce texte dispose clairement que les
assujettis à la déclaration de patrimoine, «sont tenus de déposer leur
déclaration dans un délai de 3 mois suivant leur nomination.» Mais,
l’écrasante majorité des membres actuels du gouvernement ont conservé
les privilèges et avantages de leur fonction, sans jamais se conformer à
la loi.
« Ce n’est pas la parole du Président qu’il faut craindre, mais plutôt le non-respect de la loi »
En effet, ils ont perpétré 17 mois de viol des textes que les alertes
répétitifs de l’Ofnac n’auront pas réussi à stopper. «L’expérience a
montré que, face à des responsables souvent réticents, voire
récalcitrants, il faut plus que des principes et des intentions. Il faut
surtout des textes clairs, précis qui ne laissent aucune chance à la
faculté interprétative des uns et des autres», avait même déclaré la
Présidente de l’Ofnac. La voix de la magistrate ne suffira. Seule celle
du chef de l’Etat parviendra à limiter la casse.
Un mois, 34 des 35 membres du gouvernement ont effectué leur
déclaration de patrimoine. Alors, les ministres donnent-t-ils plus
d’importance à la parole du chef de l’Etat qu’à la loi elle-même ?
«C’est cela qui est grave parce que quand le président donnait son
ultimatum, il savait que l’essentiel de ses ministres étaient hors la
loi. Donc ils n’ont pas respecté la loi Et dans un État de droit, ce
n’est pas la parole du Président qu’il faut craindre, mais plutôt le
non-respect de la loi.» précise Elimane Kane, Président de Legs Africa,
acteur de la promotion de la transparence et de la bonne gouvernance.
« Est-ce
que la menace présidentielle pèse plus lourd que l’observation
spontanée des lois de la République ? Sous cet angle, c’est la
désolation »
« Voilà une autre réalité de notre République qu’il faut craindre et
qui pose problème. Il justifie cette situation que nous avons décriée
depuis longtemps à savoir le principe de présidentialisme. Tout tourne
autour du président. Et finalement la loi c’est le président. Et
malheureusement un état de droit ne fonctionne pas comme ça »,
précise-t-il.
Avec l’épisode de la déclaration de patrimoine, le politologue Dr
Atab Badji ne cache pas son inquiétude. «Cela pose un problème. Est-ce
que la menace présidentielle pèse plus lourd que l’observation spontanée
des lois de la République ? Sous cet angle, c’est la désolation»,
déclare-t-il. Pour lui, «rester 17 mois à enfreindre les lois de la
République et à être autour de l’autorité suprême chaque semaine, pose
un autre problème».