Gros marchés, concessions, commandes d’armes… Le privé français au Sénégal, la lucrative pêche aux milliards!
Le secteur privé français a convié le chef de l’Etat Macky Sall à son Université d’été. «Le Medef connait bien le Sénégal», a dit le chef de l’Etat aux hommes d’affaires français. Ce qui n’est pas faux, puisque les entreprises de l’hexagone font partie des mieux servies au Sénégal durant la dernière décade? Aujourd’hui, quel est le niveau d’intervention de ces entreprises françaises au Sénégal ? Quel est le niveau des échanges entre les deux pays ? C’est ce que iGfm a tenté de savoir.
Entre la France et le Sénégal, le volume des échanges s’élève à 911,7 millions d’euros. Soit 597 milliards de francs Cfa selon les chiffres 2018 du trésor français lui-même. Et l’excédent commercial, qui est en faveur de la France, a grimpé à 729,6 millions d’euros, soit 477 milliards de Cfa. Les entreprises françaises restent donc, de très loin, maîtres dans les échanges.
Les exportations françaises au Sénégal se chiffrent à 821 millions d’euros (537,7 milliards de Cfa). Le trésor français renseigne que ces ventes ont beaucoup cru ces dernières année «en raison de la livraison de la flotte à la nouvelle compagnie aérienne Air Sénégal.» La France reste le premier fournisseur du Sénégal.
l’Hexagone écrase le Sénégal dans échanges
Par contre, l’Hexagone n’a importé que pour 91 millions d’euros du Sénégal. C’est à dire que l’économie sénégalaise n’a pu exporter que pour 59 milliards de francs Cfa en France. Et encore que ce chiffre traduit une hausse de 3,5% par rapport à 2017.
La France est aussi, le premier investisseur étranger au Sénégal avec 43% du stock d’Investissements directs étrangers. Les filiales d’entreprises françaises ou les entreprises détenues par des français, sont estimées à plus de 250 au Sénégal. Elles représentent plus du quart du Pib et des recettes fiscales du pays.
Dans les plus gros marchés publics
Et ces dernières années, plusieurs gros marchés de l’Etat du Sénégal sont tombés dans l’escarcelle de ces entreprises françaises. Dans le projet du Train Express régional (Ter) par exemple, Engie et Thalès ont été adjudicataires du contrat de conception et de réalisation des infrastructures et systèmes pour plus de 147 milliards de Cfa.
Alstom a obtenu le marché de fourniture du matériel roulant et Eiffage fait partie des entreprises qui exécutent le contrat de 373,5 millions d’euros pour la construction des 57 kilomètres de voies. A l’arrivée, l’infrastructure a été inaugurée, mais le train ne roule toujours pas. Et le cout véritable reste une énigme.
Et ce n’est pas tout, puisque plusieurs autres entreprises de l’Hexagone se sont vues attribuer de bien beaux marchés dans le pays. Par exemple Matière Sa s’est adjugée la construction de 18 ponts et autoponts pour 137,3 milliards de Cfa. Ellipse Project aussi réalisera quatre hôpitaux clés en main pour 95,7 milliards de Cfa.
« Partenariat que nous voulons stratégique, durable et mutuellement bénéfique»
Eiffage, en plus d’avoir décroché la concession de l’autoroute à péage, a assuré la construction du prolongement de l’autoroute de Diamniadio à l’AIBD pour un montant total de 92,2 milliards de Francs Cfa.
«Je voudrais saluer ici l’engagement à nos côtés de Gérard Senac d’Eiffage et de Senac Sa pour un partenariat que nous voulons stratégique, durable et mutuellement bénéfique», avait déclaré le chef de l’Etat lors de la cérémonie d’inauguration.
Les Français aussi dans l’aventure pétrolière
Dans l’aventure pétrolière sénégalaise, le privé français a aussi été servi. Total est aujourd’hui bénéficiaire du bloc «Rufisque Offshore profond». Un contrat signé en France, qui a fait couler beaucoup d’encre, et même couté à un ex membre du gouvernement son poste de ministre. A l’arrivée, aucune goutte de pétrole n’a été trouvée. Du moins, pour l’instant.
Des commandes en armements pour 95 milliards
Les Français sont aussi positionnés dans des secteurs stratégiques de l’économie sénégalaise. Dans les télécoms France Telecom détient 42,3% des actions de la Sonatel, dans l’eau Suez s’est adjugé le contrat d’affermage, l’autoroute à péage est actuellement exploitée par Eiffage etc.
Côté militaire, le Rapport 2020 au Parlement sur les exportations d’armements de la France renseigne que de 2010 à 2019, le Sénégal a passé 146,2 millions d’euros de commandes. Soit 95 milliards de francs Cfa.
Les Français sont aussi bien présents dans la grande distribution où Auchan, Carrefour ou encore Utile investissent les zones les plus stratégiques de la capitale.
« Il est temps de nous occuper de nous-même »
Économiste enseignant-chercheur à l’Université de Thiès, Elhadj Mounirou Ndiaye explique que 20 à 25% des créations de valeur ajoutée au Sénégal proviennent de ces entreprises françaises. Ce qui, de prime abord, est une bonne chose, au vu de la richesse et les emplois que cela génère. Même si cette richesse est jugée extravertie, par beaucoup.
«L’investissement étranger, que ce soit français, Turque ou Chinois, vient en appoint à l’économie sénégalaise. Ce n’est pas une fin en soi, mais il vient en appoint. Toute opportunité d’investissement pouvant être valorisée, venant de l’étranger, doit être valorisé», précise l’économiste.
Cependant, charité bien ordonnée commence par soi-même. En plus clair, l’économiste appelle les autorité à solidifier maintenant le privé sénégalais. «Il est temps de nous occuper de nous-mêmes, développer ce secteur privé sénégalais en lui permettant de gagner la part la plus importante des marchés publics. Ce qui permettra au Sénégal d’être résilient face à des situations pareilles», indique-t-il.