«Rassembler l’Amérique» pour battre Trump, le programme de la convention démocrate
Ce lundi 17 août, à deux mois et demi de la présidentielle, la
convention démocrate débute à Milwaukee, dans le Wisconsin. Organisée
sous le slogan « Rassembler l’Amérique », la convention a été rendue
entièrement virtuelle à cause des risques de contagion du Covid-19. Le
camp opposé à Donald Trump cherche l’union. Le courant progressiste,
l’aile gauche du parti, fait bloc derrière Joe Biden et Kamala Harris
avec pour objectif d’influer sur leur politique.
Plus
que quelques heures avant le coup d’envoi d’une convention démocrate
inédite, version coronavirus. Il n’y aura ni ballons ni confettis aux
couleurs du drapeau américain, ni grande scène. Mais tout de même
beaucoup d’attente de la part des militants démocrates dont beaucoup
disent être impatients d’écouter les discours de Joe Biden et de Kamala
Harris, rapporte notre correspondante à New York, Loubna Anaki.
Avec Bernie Sanders pour réunir le clan démocrate
Ils
espèrent que le candidat démocrate saura trouver les bons mots pour
rassembler les différents courants du parti, les modérés comme les plus à
gauche qui, depuis le retrait de Bernie Sanders et d’Elizabeth Warren,
se disent partagés à l’idée de voter Biden. Le thème de la convention
est d’ailleurs « Uniting America », « Unir l’Amérique ».
L’intervention
de Bernie Sanders est la plus attendue. Le sénateur progressiste du
Vermont va, comme en 2016, soutenir le candidat qui l’a battu à la
primaire démocrate. Mais la situation a radicalement changé. D’abord,
Bernie Sanders l’a répété dimanche 16 août : « Il est absolument
impératif que Donald Trump soit battu. » Ensuite, il y a quatre ans, son
soutien à Hillary Clinton avait été plein d’amertume. Le sénateur
s’était plaint d’avoir été très mal traité durant la primaire, et la
convention avait été marquée par la division. Cette fois, Joe Biden a
invité l’aile progressiste à participer à l’élaboration de la plateforme
démocrate. Et avec cette intervention de Bernie Sanders dès le premier
jour, l’objectif est de faire oublier le mauvais souvenir de 2016.
Durant
quatre jours, d’autres intervenants prendront la parole par
visioconférence. Michelle Obama, l’ancienne Première dame, va s’exprimer
ce lundi. Barack Obama, prédécesseur de Donald Trump, prendra la parole
mercredi 19 août. Hillary et Bill Clinton, des démocrates, et des
gouverneurs qui se sont distingués dans la lutte contre le coronavirus.
Andrew Cuomo (New York) et Gretchen Whitmer (Michigan) sont ainsi
programmés. Chose plus inédite, ce sera aussi le cas d’un républicain :
John Kasich, ancien gouverneur anti-Trump de l’Ohio, qui permettra
peut-être de convaincre quelques républicains. Dans le même temps, à 130
kilomètres de là, toujours dans le Wisconsin, le président Trump a
prévu de tenir un discours en personne pour dire tout le mal qu’il pense
de Joe Biden.
La convention se terminera jeudi
soir avec la nomination officielle de Joe Biden comme candidat
démocrate à la présidentielle de novembre prochain.
« Green New Deal », salaire minimum et couverture universelle
Après
avoir soutenu le Texan Beto O’Rourke, cette année, Sheila Meyers a
milité pour Bernie Sanders. Mais c’est bien Joe Biden qui affrontera
Donald Trump à la présidentielle. Et maintenant, ce qui compte pour
elle, c’est l’unité lors de la convention démocrate qui commence ce 17
août à Milwaukee, dans le Wisconsin. « J’attends de très bons discours,
déclare-t-elle. Et je pense que si tout le monde est bien représenté et
que tous les points de vue se rejoignent derrière l’équipe Kamala-Biden,
je pense que ce sera un succès ».
Interrogé
par notre correspondant à Houston, Thomas Harms, l’écologiste radical
Torry Lane Mercer, du mouvement « Extinction Rebellion », estime que ce
qui compte avant tout est la visibilité des idées progressistes. « S’ils
sont devant une caméra ou un micro quelque part, qu’ils parlent du
« Green New Deal », du salaire minimum de 15 heures, de la couverture
maladie universelle. Dans notre environnement médiatique, c’est ce qui
compte : qu’ils soient devant une caméra et disent qu’une politique
progressiste est ce dont nous avons besoin. S’ils y croient vraiment
eux-mêmes, c’est un bonus », juge-t-il.
Comme à
Houston, les militants démocrates de New York espèrent que le parti
affichera une unité où tout le monde pourra se sentir représenté et
convaincre les éventuels électeurs qui hésitent encore à voter pour Joe
Biden. « J’ai hâte de voir comment les différents courants du Parti
démocrate vont s’unir derrière quelqu’un comme Joe Biden », commente Kt
Sagona, du groupe des jeunes démocrates de Manhattan.
«
Beaucoup de gens de gauche comme les démocrates socialistes se sentent
partagés face à l’idée de voir Joe Biden président, et à des degrés
différents de voir Kamala Harris devenir vice-présidente. Donc, je suis
très curieuse de voir comment tous ces aspects vont être gérés et ce que
ça va donner. Parce que je pense que c’est là une des principales
préoccupations des Américains. Je pense que la plupart des gens veulent
voir une vraie unité pour pouvoir battre Donald Trump à l’élection. »
Une convention virtuelle
En
ces temps de Covid-19, rassembler physiquement n’étant pas une bonne
idée, les organisateurs ont fait le pari de réunir virtuellement
invités, militants, et plus largement les Américains. Tous les
intervenants ont reçu des kits pour se filmer de chez eux, près de
monuments ou sur scène, avec micros, lumières et routeurs Internet. Les
artistes ont d’ailleurs déjà enregistré leurs interventions musicales.
C’est aussi le cas pour certains discours ou mini-documentaires. Pour
que tout cela reste vivant, les réactions de délégués à ce qu’ils voient
sur leurs écrans seront aussi diffusées en direct.
Ces
centaines de canaux de diffusion vont donc s’entremêler, chaque soir,
pendant deux heures, un grand exercice d’équilibriste diffusée en
totalité ou en partie, selon les chaînes de télévision. La convention
durera en tout huit heures, échelonnées sur quatre jours, soit le tiers
de sa durée habituelle. Les intervenants parleront nettement moins
longtemps que leurs traditionnelles dix minutes, ce qui permettra aussi
une plus grande visibilité sur les réseaux sociaux, espèrent les
organisateurs.
Les démocrates vont tenter
contraints et forcés de faire entrer dans le 21e siècle ces grands
rendez-vous, qui n’avaient pas vraiment changé depuis les années 1960.
Les militants qui comptaient participer à la convention ont dû s’adapter
à cette nouvelle formule virtuelle. Certains se sont organisé des
groupes en ligne pour suivre, commenter et discuter de l’événement,
rapporte notre correspondante, Loubna Anaki.
«
J’aurais probablement été dans l’avion ou à Milwaukee en ce moment. Au
lieu de cela, je suis assis dans ce parc à New York ». Comme pour toutes
les conventions démocrates depuis une quinzaine d’années, Mike Corbett
avait tout prévu, avant l’épidémie. « Vu ce qui se passe en ce moment
avec le Covid-19, c’était absolument la meilleure décision d’organiser
une convention virtuelle. »
Mohamed Alam, lui
aussi, comptait faire le déplacement, voulant revivre la même expérience
qu’en 2016. « L’un des aspects sympas des conventions traditionnelles,
ce sont tous les événements en parallèle, les gens que vous rencontrez,
les célébrités qui sont là et accessibles. En 2016, en allant chercher
un soda au distributeur, j’ai croisé l’équipe entière du Daily Show ! »
Loin, mais en groupe
S’ils
ont dû revoir leurs plans, les deux militants démocrates vont tout de
même suivre toute la convention, seuls ou avec des amis sur internet. «
Je me suis préparé une installation semi-professionnelle chez moi,
explique Mohamed Alam. J’ai un ordinateur avec deux écrans, la télé dans
ma chambre. Je regarderai les infos, les discours… »
«
Je pense que ça rend la convention plus accessible à pas mal de gens
qui n’auraient de toute façon pas pu être à Milwaukee, estime Mike
Corbett. Tout le monde va se sentir tout aussi important que n’importe
quel délégué ou élu qui serait à la convention ». Mike Corbett comme
Mohamed Alam disent espérer voir le parti afficher une image unie pour
porter la campagne et battre Donald Trump en novembre.
Les
progressistes travaillent dans l’arrière-boutique avec les modérés pour
la construction de ce programme. Les démocrates vont en réalité montrer
une image d’unité.