Candidat à un 3è mandat : Et si Alassane Ouattara dicte la voie à Macky Sall, IBK et Alpha Condé ?
Candidat à un 3è mandat : Et si Alassane Ouattara dicte la voie à Macky Sall, IBK et Alpha Condé ?
Le chef de l’Etat ivoirien Alassane Ouattara a annoncé jeudi dans un discours télévisé sur la chaîne publique RTI qu’il sera candidat à l’élection présidentielle d’octobre 2020. Il brigue ainsi un troisième mandat pendant que les opposants affirment que la constitution le lui interdit.
En mars, le chef de l’Etat, qui termine à 78 ans son deuxième mandat, avait déclaré vouloir « laisser la place aux jeunes » lors du prochain scrutin présidentiel du 31 octobre. C’est son premier ministre, Amadou Gon Coulibaly, qui avait été intronisé candidat du parti au pouvoir, le Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP).
Mais la mort inattendue de ce dernier à 61 ans d’un infarctus a bouleversé le scénario. Contraint de trouver un nouveau candidat à trois mois du scrutin, le RHDP semble d’ores et déjà préparer le terrain au président sortant.
A peine les funérailles du premier ministre passées, deux dirigeants du parti présidentiel ont pris position publiquement en faveur d’une candidature du chef de l’Etat pour un troisième mandat.
“Le seul choix qui vaille, c’est que le président Ouattara reprenne le flambeau”, a déclaré dimanche sur TV5 le directeur exécutif du RHDP et ancien ministre, Adama Bictogo. Il l’a répété le lendemain sur RFI : “A trois mois de la présidentielle, il nous est difficile de sortir du chapeau un nouveau leader. Le président Ouattara reste le grand rassembleur”.
Si Alassane Ouattara montrait la voie à Macky Sall, IBK et Alpha Condé ?
Et voilà que maintenant, malgré les alertes de l’opposition ivoirienne qui évoquait la violation fragrante de la constitution, le président Alassane Ouattara est finalement candidat à un troisième mandat à la tête de la Côte d’Ivoire.
Mais dans un contexte ouest africain avec le cas de la Guinée Conakry, le Mali voire le Sénégal, l’on a de forte raison de penser que le président Alassane Ouattara a bien tracé la voie des troisièmes mandats dans la sous-région.
Ainsi, après un tripatouillage de la constitution, la côte d’ivoire peut, ainsi, inspirer le banditisme politique à ses homologues de la Cédéao en passe de finir leur dernier mandat à la tête de leur pays.
L’Afrique saisie par la fièvre du troisième mandat
L’adhésion du continent africain au processus démocratique tel qu’il est défini, compris et appliqué par les puissances occidentales est une démarche longue, laborieuse et sinueuse. Il n’est donc pas étonnant d’observer ici ou là en Afrique des interrogations sur l’orthodoxie des moyens empruntés et des objectifs poursuivis par certains chefs d’État décidés à se maintenir au pouvoir plus longtemps que prévu.
Les “bonnes raisons” de rester au pouvoir
Certains de ces plaidoyers sont basiques et quasiment naïfs. C’est ainsi que dans le quotidien ivoirien L’Inter du 6 janvier dernier, l’ancien ministre Cissé Bacongo réclame à contre-courant de son parti politique, le Rassemblement des républicains du président Alassane Ouattara que l’on supprime la limitation des mandats dans la prochaine Constitution. Ce qui semble avoir réussi au président Ouattara qui va briguer un mandat.
“En l’absence de cadres politiques charismatiques, compétents, crédibles et intègres pouvant assurer la relève, écrit-il sans crainte d’humilier la nouvelle génération, le peuple peut se trouver comme contraint d’élire un Président par défaut, alors que le Président sortant sera exclu de la course”, avait donc indiqué Cissé Bacongo, à cet effet.
Et il précisait sa pensée en ajoutant que l’alignement sur l’Occident en la matière serait prématuré car “dans les grandes démocraties, la classe politique regorge de cadres compétents”. Les jeunes militants apprécieront.
Démocratie, respecter la volonté du peuple et le cas Poutine en Russie
En admettant donc que la continuité, la stabilité, voire la pérennité au pouvoir sont des gages de développement, encore faut-il les enduire d’un vernis de démocratie sous peine de déclencher des violences dans le pays, ou de s’attirer les foudres – à géométrie variable – de la communauté internationale. Or les mécanismes de modification constitutionnelle mis en œuvre par les autocrates ou les dictateurs ne sont pas toujours forcément antidémocratiques. Nous avons aussi le cas Poutine, en Russie.
Et c’est précisément à ce niveau que la transgression relève d’un malentendu sur l’essence de la démocratie. Ceux qui s’accrochent au pouvoir ont de mauvaises raisons de le faire, mais utilisent des moyens légaux pour y parvenir.
Ou bien ils sollicitent le Parlement qui, certes, est acquis à leur cause, mais représente l’émanation du peuple, ou bien ils ont recours à un référendum, et force est bien d’admettre qu’il n’y a pas plus démocratique qu’un référendum. On a même vu Paul Kagamé, toujours lui, lancer une vaste pétition nationale qui a recueilli les signatures de plus de 60 % des électeurs inscrits, puis passer par un référendum qui a approuvé à plus de 98 % la possibilité qu’il reste au pouvoir jusqu’en 2034.
Les troisièmes mandats et leur légitimation démocratique
Ainsi donc, si les troisièmes mandats présidentiels en Afrique s’apparentent à des glissements vers des dictatures, ils ont généralement reçu une légitimation démocratique dont il est difficile de dire dans quelle proportion elle relève du tour de passe-passe, d’une volonté populaire majoritaire, ou d’une conviction profonde qu’il ne peut y avoir de développement sans stabilité politique.
Serions-nous allés trop vite en besogne pour transférer des modèles, imprudemment ou hâtivement considérés comme « universels » ? Ou bien faudra-t-il encore du temps pour que la conscience démocratique s’incarne au-delà des mots ?