[ÉDITO DU JOUR] La poche de goorgorlu et les caisses de l’Etat
Peu s’y attendaient. Mais le réalisme a
prévalu et aura surtout motivé l’annonce du chef de l’Etat, laquelle a
mis du baume au cœur des Sénégalais fortement éprouvés par trois mois
d’état d’urgence et de couvre-feu. Et une économie presque à genoux du
fait des restrictions liées aux libertés individuelles et collectives.
Chacun
de nous a pu s’en rendre compte : les populations pour une bonne partie
avaient elles-mêmes levé l’état d’urgence et le couvre-feu dans leurs
pratiques quotidiennes. Et la décision prise par le chef de l’Etat hier
soir ne fait que conforter la position d’une bonne frange de la
population qui, en apprenant à « vivre avec le virus » depuis bientôt
deux mois, avait fini de « faire vivre le virus » dans leurs faits et
gestes quotidiens, malgré eux. La lassitude était donc palpable à tous
les niveaux. Y compris chez les forces de l’ordre elles-mêmes éprouvées
par la durée d’un Etat d’exception censé freiner la propagation de la
Covid-19 au Sénégal.
En
effet, avec près de 7000 cas répertoriés depuis le 02 mars, 112 décès,
4431 guéris et 2249 patients sous traitement, le Sénégal est resté dans
un état stationnaire qui, bien que préoccupant, ne justifiait pas un «
reconfinement » de sa population. Pas du tout malgré certaines voix
autorisées, dont des religieux qui ont cherché à mettre la pression à
l’Etat en vue de renouveler voire de durcir les mesures d’exception
devenues impopulaires. Notre pays ne pouvait se permettre le luxe de
s’inscrire dans l’immobilisme ou d’adopter une position attentiste le
temps que « corona » fasse sa toilette mortuaire. « Apprendre à vivre
avec le virus » tout en privilégiant les gestes barrières
indispensables, est devenu le mot d’ordre en vigueur dans pratiquement
tous les pays du monde et le Sénégal ne fait pas exception. Par
conséquent, après la réouverture des marchés et des lieux de culte, des
écoles pour les classes d’examen et du transport interurbain, la suite
logique allait dans le sens d’un déconfinement presque total. D’où les
nouvelles mesures consistant à lever l’Etat d’urgence et le couvre-feu
qui commençaient à sortir du cadre légal, avec le risque de plonger le
gouvernement dans l’impopularité.
Revoilà
donc les Sénégalais de retour à une vie (presque) normale, ce qui passe
chez certains comme un relâchement voire une capitulation de l’Etat.
L’heure est donc à la responsabilité. Est-il le lieu de rappeler qu’un
reconfinement du pays, avec une prorogation de l’Etat d’urgence et du
couvre-feu, ralentirait-il la propagation du virus sur le territoire,
aurait surtout le mérite d’accentuer les inégalités et donc la pauvreté
sans mentionner le risque de mettre à rude épreuve l’autorité de
l’Etat.
Malgré
le risque d’enlisement de la crise sanitaire corrélée à une crise
économique aux dégâts multiples et incalculables, il a fallu faire un
choix. Un choix réaliste et urgent : libérer l’économie et ses acteurs
en mettant en avant la poche de goorgorlu et les caisses de l’Etat.