En Amérique centrale, le coronavirus aggrave la pauvreté
En plus de ralentir l’économie, comme dans le monde entier, la pandémie de coronavirus a tari les envois d’argent des travailleurs immigrés aux États-Unis à leurs familles restées au Guatemala, au Salvador et au Honduras.
En Amérique centrale et au Mexique, des villages entiers se sont construits sur les remesas, ces envois d’argent au pays que font les travailleurs immigrés partis chercher un meilleur salaire aux États-Unis. Mais la pandémie a mis beaucoup d’entre eux au chômage.
José Cervantes dirige le département statistique du centre d’études monétaire d’Amérique latine. Il explique qu’« en avril déjà, l’emploi a fortement chuté aux États-Unis. Près de deux millions d’immigrants mexicains ont perdu leur travail, par exemple. Les secteurs plus touchés ont été la restauration, l’hôtellerie et la construction, qui emploient beaucoup d’immigrés. »
« Ils ne peuvent plus aider leur famille »
Alexis Hernandez est salvadorien. Lui n’a pas cessé de travailler dans son abattoir du Colorado, car le secteur agroalimentaire est essentiel pour les États-Unis. Mais la boulangerie où travaillait sa sœur a licencié ses employés au début de la pandémie.
« Ma sœur a perdu son travail à la boulangerie sans aucune compensation. Ça fait trois mois qu’elle est au chômage. Elle envoyait de l’argent au Salvador, mais là elle ne peut plus », dit Alexis. « J’ai des amis qui avaient de bons boulots, dans des restaurants, au McDonald’s, mais quand on n’a pas de papiers, c’est encore plus facile de se faire virer. Maintenant, ils dorment sous les ponts, certains ont même vendu leur voiture. Ce qui leur arrive est terrible et en plus, ils ne peuvent plus aider leur famille au Salvador ».
Un cinquième de l’économie de ces pays tient sur l’épargne des travailleurs
Depuis le début de la pandémie, les envois d’argent ont chuté drastiquement – jusqu’à -40 % en avril au Salvador. De l’argent dont les familles sur place ont plus que jamais besoin. « Au Salvador en ce moment beaucoup de jeunes n’ont pas de travail. Il y a des gens qui ont dû vendre tout ce qu’ils avaient, un frigo, un terrain, une maison pour survivre à ces quatre mois de quarantaine dans le pays », détaille Alexis. Puis d’ajouter : « Moi j’ai envoyé de l’argent à des amis dans le besoin, pour leurs enfants, pour prendre les transports, mais surtout simplement pour faire les courses… »
L’épargne des travailleurs représente jusqu’à un cinquième de l’économie de ces pays, insiste l’économiste José Cervantes. « Les envois d’argent sont cruciaux pour ces pays. Au Guatemala cela représente l’équivalent de 10% du PIB, au Salvador et au Honduras jusqu’à 20%, et dans certaines régions pauvres du Mexique c’est 10, 11, 12% de la richesse. On parle de millions de foyers. La chute de ces revenus s’annonce drastique. Inévitablement, la pauvreté va augmenter. »
Selon les projections des Nations unies, le Covid-19 pourrait plonger plus de 29 millions de personnes supplémentaires dans la pauvreté en Amérique latine.