NON-RESPECT DES «GESTES BARRIERES» : la police aux trousses des démasqués

NON-RESPECT DES «GESTES BARRIERES» :  la police aux trousses des démasqués

Face à l’accroissement des cas communautaires, les autorités sénégalaises ont rendu le port du masque obligatoire afin de lutter contre la propagation du Covid-19. Mais si certains Dakarois s’y accommodent, d’autres rechignent à respecter cette mesure-barrière, obligeant la police à sévir de plus en plus. 

C’est un défilé bigarré qui envoie un peuple citadin, avec un bout de tissus multicolores au «museau», aller à l’assaut des entrailles de Dakar. Et de ses interminables banlieues. Des cités cossues aux quartiers populaires, des marchés crasseux aux supermarchés gratinés, on en en voit de toutes les qualités, de toutes les formes et de toutes les couleurs : masques jetables ou lavables, chirurgicaux ou FFp2, en tissu de couleur unique (parfois siglé) ou en wax, ils sont devenus «la figure imposée» pour déambuler ou se déhancher dans les artères de la capitale sénégalaise. Ce, après que les autorités étatiques ont décidé le 17 avril dernier de rendre obligatoire son port afin de lutter, comme elles peuvent, contre la propagation de la pandémie du Covid-19. Si cette mesure est respectée et saluée par certains Sénégalais, d’autres, récalcitrants ou négligents, n’en portent pas. Ou peu. Une violation qui est passible de sanction pécuniaire de la part de la police qui veille davantage au grain depuis que les mystérieux «cas communautaires» continuent de gonfler les chiffres de la pandémie du nouveau Coronavirus au Sénégal.

«J’ai payé une amende de 3 000 Fcfa au commissariat central»

Posée à l’arrêt de bus, sur la défraîchie avenue Blaise Diagne de Dakar, Maïmouna Diagne guette impatiemment le bus «Dakar Dem DikK» qui doit la convoyer à son lieu de travail. Son look «tendance Covid», avec un visage à moitié recouvert par un masque chirurgical blanc, l’installe sans faute à la page de la mode anti-Coronavirus. Son sentiment de trentenaire «in», débité sans chichi, épouse la ligne directrice crayonnée par les autorités sénégalaises. On croirait écouter un porte-parole du «premier flic du pays» : «Aly Ngouille Ndiaye (le ministre de l’intérieur) a recommandé fortement le port systématique du masque, en particulier dans les marchés, les transports et autres lieux publics, face à l’accroissement des cas issus de la transmission communautaire», raisonne celle qui dit tout en citoyenne modèle, consciente des enjeux et de la dangerosité de l’heure. Poursuivant son argumentaire, en se raclant difficilement la gorge, la scrupuleuse déclarée lâche un nouvel hymne au respect du code de conduite imposé par ce temps de péril : «J’essaie toujours de me conformer à la décision du gouvernement pour éviter d’avoir des bisbilles avec la police, même si j’avoue que ce n’est pas toujours évident.» Alors que Maïmouna Diagne dit tenter par tous les moyens d’éviter un sermon de la police en respectant à la lettre les mesures édictées par les autorités compétentes, Amadou Diop, chauffeur de taxi, avoue avoir franchi la ligne des interdits. Il révèle avoir été une fois arrêté pour défaut du port de masque. Quadra au regard creux, l’homme au caftan bleu porte ce mercredi sur son visage émacié un masque en tissu multicolore. Car il a payé pour apprendre… de ses négligences coupables : «Lundi dernier, en partance pour le centre-ville, avec un client à bord, un policier m’a arrêté à hauteur de la Corniche Ouest. Je ne portais pas de masque, car j’éprouvais des problèmes de respiration. L’officier a pris mon permis et m’a dit d’aller payer une amende de 3 000 francs CFA au Commissariat central.» Depuis, le «taximan» avance masqué…

Au début de l’état d’urgence sanitaire, la chasse aux «démasqués» de Dakar manquait d’un peu de niaque, mais depuis quelque temps, sur instruction ferme de la hiérarchie, la Police a relevé l’exigence et élevé le niveau de coercition. Les interpellations et les amendes pour non-port de masque prennent alors une courbe aussi exponentielle que le nombre de personnes contaminées par le Covid-19. Et beaucoup de Dakarois, négligents ou inconscients, en font ou en ont fait les frais. «Avec l’assouplissement de certaines mesures, on observe chez certains Sénégalais un relâchement par rapport au port du masque. Mais maintenant, c’est devenu très strict. Les policiers, postés aux principaux carrefours de la ville, ont arrêté les conducteurs et mis en fourrière autos et motos, dont les propriétaires ne portaient pas de masque. J’ai eu énormément de chance», témoigne Amadou, le taximan.

«Les policiers nous ont arrêtés à 16 heures, nous avons fait le tour de la ville jusqu’à 20 heures…»

Comme Amadou, Alphonse est aussi chauffeur de taxi. Comme Amadou, lui aussi été arrêté pour «oubli» du port de masque. Assis sous un arbre à palabres au quartier populeux de Grand-Dakar, le jeune homme dit en avoir bavé ce jour-là. Autour de la théière, Alphonse, chemise blanche à rayures grises fourrée dans un pantacourt noir, cheveux peroxydés et masque en tissu sur le menton, fait le récit de son interpellation par la police sous le regard amusé de ses camarades de causerie. «Nous avons l’habitude de nous mettre sous cet arbre, surtout avec cette chaleur. Lundi dernier, les limiers ont fait une descente inopinée. Malheureusement, je ne portais pas de masque et on m’a embarqué», narre le jeune homme. «Les policiers étaient en civil, poursuit-il. Nous avons été arrêtés vers 16 heures, les policiers ont fait avec nous le tour de la commune. Nous étions une dizaine dans la fourgonnette et sommes arrivés au commissariat vers 20 heures. Par la suite, on nous demandé de payer chacun 3 000 francs Cfa. Heureusement que j’avais de l’argent sur moi ce jour-là, sinon je risquais de passer la nuit derrière les barreaux.»

Non loin du «Grand’Place» d’Alphonse et Cie, Mariama Guèye tient un petit commerce. Habit traditionnel blanc, masque de protection bien ajusté, cette mère de famille expose mangues et sachets de cacahuètes. Mais aussi ses galères avec la police au premier venu. «Je venais du marché, confie-t-elle. Vers le rond-point Castors, un policier a fait irruption dans le bus. Et comme il a vu que je ne portais pas de masque, il m’a ordonné de descendre. J’ai dû payer 4 000 francs à l’officier de police afin qu’il me laisse partir.» Reprenant difficilement son souffle, Mariama Guèye poursuit : «Je ne portais pas le masque à cause de mon asthme. Il m’empêche de respirer correctement, mais je n’ai pas le choix. Maintenant, pour éviter d’avoir des problèmes avec la police, surtout en ces temps de misère où il est difficile de trouver de l’argent, j’en porte chaque fois que je mets le nez dehors. L’argent de l’amende équivaut à une dépense quotidienne.» Elle l’a appris à ses dépens…

Souare Mansour

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