Jim Mattis, ex ministre de La Défense de Trump, l’accuse de menacer la Constitution
Mattis accuse Trump de « diviser » l’Amérique, secouée par un mouvement de colère historique après la mort de George Floyd.ÉTATS-UNIS –
Jim Mattis, l’ex-ministre de la Défense de Donald Trump, est sorti
mercredi 3 juin de sa réserve avec un réquisitoire tonitruant contre le
président des États-Unis, accusé de vouloir « diviser » l’Amérique,
secouée par un mouvement de colère historique après le meurtre de Gorge
Floyd par des policiers.
« De
mon vivant, Donald Trump est le premier président qui n’essaye pas de
rassembler les Américains, qui ne fait même pas semblant d’essayer »,
écrit l’ancien général des Marines âgé de 69 ans dans une déclaration
mise en ligne par la revue The Atlantic et d’autres médias américains.
« Au
lieu de cela, il tente de nous diviser », ajoute ce militaire très
respecté, qui avait jusqu’ici affiché sa réserve, expliquant qu’il
préférait ne pas commenter directement le mandat du milliardaire
républicain. Cette fois, trop c’est trop à ses yeux: « Nous payons les
conséquences de trois années sans adultes aux commandes ».
Mattis, un « chien fou » pour Trump
La
réaction du président américain a été immédiate. D’un tweet, Donald
Trump l’a qualifié de « général le plus surestimé du monde » et de « chien
fou ». « Je suis content qu’il soit parti ! », a insisté le locataire de la
Maison Blanche.
Jim Mattis, premier chef du
Pentagone après l’arrivée en 2017 à la Maison Blanche d’un Donald Trump
sans expérience militaire ni diplomatique, était alors considéré, jusque
dans les rangs républicains, comme l’un des rares « adultes dans la
pièce » capables de contenir les impulsions de l’ex-homme d’affaires.
Il
avait démissionné avec fracas en décembre 2018 au lendemain de
l’annonce par le président Trump d’un retrait unilatéral total de Syrie,
sans concertation avec les alliés de Washington dans la lutte contre le
groupe jihadiste État islamique.
Mercredi,
c’est au sujet de la réaction présidentielle aux troubles de la
dernière semaine qu’il réagit. « J’ai observé le déroulement des
événements de cette semaine, en colère et consterné », poursuit-il dans
ce texte intitulé « L’Union fait la force », soutenant les manifestants
qui demandent, selon lui « à raison », l’égalité des droits.
Ne pas « se laisser distraire par une poignée de hors-la-loi »
Depuis
la mort le 25 mai à Minneapolis de George Floyd, un homme noir asphyxié
par un policier blanc, une vague de colère historique s’est levée dans
les villes américaines, dénonçant le racisme, les violences policières
et les inégalités sociales. Des centaines de milliers de manifestants
ont protesté à travers le pays pacifiquement, mais des pillages et des
émeutes ont aussi émaillé le mouvement.
Donald
Trump, silencieux sur les solutions aux maux dénoncés par les
manifestants, a en revanche employé un ton martial et menacé de recourir
à l’armée pour mater la rue, se présentant en « président de la loi et
de l’ordre ».
« Nous
ne devons pas nous laisser distraire par une poignée de hors-la-loi.
Les manifestations, ce sont des dizaines de milliers de personnes de
principes qui insistent pour que nous soyons à la hauteur de nos
valeurs », estime Jim Mattis.
« Nous devons rejeter et tenir pour responsables ceux qui, au pouvoir, se moqueraient de notre Constitution », ajoute-t-il.
Un « abus de pouvoir exécutif »
« Quand
j’ai rejoint l’armée, il y a environ 50 ans, j’ai prêté serment de
soutenir et défendre la Constitution », écrit-il encore. « Jamais je n’ai
imaginé que des soldats qui prêtent le même serment puissent recevoir
l’ordre, quelles que soient les circonstances, de violer les droits
constitutionnels de leurs concitoyens ? et encore moins pour permettre
au commandant-en-chef élu d’aller poser pour une photo, de manière
saugrenue, avec les chefs militaires à ses côtés ».
Alors
que Donald Trump prononçait une allocution musclée dans les jardins de
la Maison Blanche lundi soir, annonçant le déploiement de milliers de
soldats et policiers à Washington, ces mêmes forces de l’ordre
dispersaient les manifestants des alentours à coups de gaz lacrymogènes.
Objectif: libérer le champ pour le président afin qu’il se rende
ensuite, à pied, devant une église emblématique dégradée durant le
week-end, où il a posé pour les caméras une bible à la main. L’actuel
ministre de la Défense Mark Esper était présent sur la photo.
Mercredi,
Esper a lui-même pris ses distances, admettant avoir fait une erreur et
affichant surtout son opposition au déploiement de l’armée sur le
territoire américain, en désaccord apparent avec le président. Jim
Mattis va lui plus loin, et parle d’un « abus » du pouvoir exécutif.
« Seulement
en adoptant un nouveau chemin », « nous serons à nouveau un pays admiré
et respecté, ici comme à l’étranger », conclut l’ex-ministre, à cinq mois
d’une élection présidentielle à laquelle Donald Trump briguera un
second mandat.