Marie-Antoinette, infirmière au Sénégal: «Après Ebola, j’étais prête»
Marie-Antoinette, infirmière au Sénégal: «Après Ebola, j’étais prête»
Les infirmiers sont en première ligne
face au coronavirus. De l’Europe en Amérique en passant par l’Afrique et
le Moyen-Orient, RFI leur donne la parole. À 44 ans, dont treize passés
en réanimation, Marie-Antoinette Vierra Mané est infirmière à l’hôpital
de Fann à Dakar. Depuis le 2 mars, elle a été mobilisée pour prendre
soin des patients atteints du Covid-19.
Enfiler
ses bottes en caoutchouc, minutieusement ajuster le masque sur le nez,
ganter ses doigts fins, et coiffer ses cheveux d’une charlotte bleue.
Sept jours par semaine, depuis plus de deux mois, c’est le même rituel
pour Marie Antoinette Vieraa Mané. Après dix-huit ans de service à
l’hôpital de Fann, à Dakar, dont treize passés à la réanimation dans le
service des maladies infectieuses, la Sénégalaise fait partie des
quatre « permanents » au chevet des malades atteint du Covid-19.
Si
elle admet que le matin « le corps est un peu lourd » avant d’arriver à
l’hôpital à 7 heures, et que « la fatigue est énorme » quand elle
rentre le soir, rien ne semble pouvoir altérer le moral et le sourire
dissimulé derrière le masque de l’infirmière de 44 ans. Infatigable,
Marie-Antoinette a conscience d’être « en première ligne, dans une sorte
de guerre », mais elle est un soldat modeste : « je ne peux pas dire
que je suis particulièrement fière, ce que nous faisons, nous
infirmiers, il faut bien que quelqu’un le fasse. »
« Une certaine expérience des épidémies et du travail intense »
Un
sens du devoir qu’elle enfile chaque matin avec sa blouse et qui la
fait tenir à travers ses longues journées de travail, qui s’étiraient
jusqu’à 22 heures à l’arrivée de l’épidémie début mars, avant d’être
légèrement raccourcies récemment, depuis l’arrivée en renfort de
nouvelles équipes. Il faut dire que la quadragénaire a « une certaine
expérience des épidémies et du travail intense ». En novembre 2014 et
jusqu’en mars 2015, elle est envoyée en Guinée, pour prêter main force
au pays voisin dans sa riposte face à la sanglante Ebola. « C’était une
expérience très dure, mais aussi très belle », raconte-t-elle. Une
expérience qui l’a préparée à faire face aujourd’hui : « Après Ebola, je
n’étais pas surprise d’être appelée pour aider à la prise en charge des
malades du coronavirus, j’étais prête ».
Quand
on lui demande si elle a peur d’attraper la maladie, un sourire apaisé
se dessine sur le visage de Marie-Antoinette. « Je suis à l’aise, un
patient atteint du Covid-19 est un patient comme les autres, être à leur
contact ne m’effraie pas ». Qu’en est-il de la difficulté de la tâche,
des horaires intenses ? « Après treize ans en réanimation, je suis
habituée ». Quant à la crainte de ramener la maladie à la maison auprès
de son mari, sa fille de sept ans et son petit garçon de quatre ans ?
Elle y répond en proposant une visite détaillée du protocole d’hygiène
mis en place dans l’unité. « Rien n’est laissé au hasard, j’ai confiance
en les protections dont nous disposons, nous ne manquons de rien »,
rassure-t-elle. Marie-Antoinette est un roc. Quand elle est au travail,
la soignante a la tête au travail et nulle part ailleurs. « Je qui là
pour aider, je ne peux pas laisser mon esprit être distrait par les
potentiels risques pour ma famille. Quand je suis à l’hôpital, je suis
une infirmière, j’administre les traitements, sers la nourriture et
veille à ce que les malades ne manquent de rien ».
À
travers les 21 chambres qui composent les deux unités qu’elle couvre,
l’infirmière s’assure que les patients ne manquent de rien, j’essaie
surtout de les rassurer, de leur redonner confiance », face à cette
maladie nouvelle « qui peut faire peur », explique celle qui admet
volontiers devoir parfois « gronder les patients qui exagèrent ».
Au-delà du médical, Marie-Antoine a conscience qu’elle et ses pairs sont
les seuls repères des malades hospitalisés. « Ils ne reçoivent pas de
visites, il n’y a pas d’accompagnants, alors nous sommes les personnes
qu’ils voient le plus, notre rôle à leurs côtés va au-delà du médical ».
Un rôle de support qu’elle assume également au sein des équipes. « Ceux
pour qui c’était la première gestion d’une épidémie pouvaient être
stressés au début, mais l’expérience des anciens les rassurent. »
Derrière la lourde porte qui sépare les soignants du couloir où sont
hospitalisés les malades, le coronavirus ne semble d’ailleurs pas avoir
eu raison de la bonne humeur des soignants : « On parle de tout, on se
drague un peu, l’ambiance est bonne », comme en témoignent les nombreux
éclats de rires qui émanent de la salle de pause.
Et
c’est sans doute ce qui explique que Marie-Antoinette ne « se donne pas
le droit de craquer ». Coûte que coûte, le ton reste enjoué, la voix,
un peu enrouée, est rassurante. En vingt minutes de conversation,
Marie-Antoinette serait presque capable de vous faire oublier que le
monde traverse une pandémie sans précédent et que les services
hospitaliers du monde entier sont ébranlés. Le ballet des patients, elle
l’admet, « c’est le plus difficile, quand on a la satisfaction de faire
sortir un patient guéri, mais que la chambre est immédiatement
réquisitionnée pour un nouvel arrivant ». Tous les jours, elle « prie
pour voir une chambre rester vide 24, ou même 48 heures ». Ce serait le
signe d’un ralentissement de la contagion dans le pays, qui pour l’heure
a vu le nombre de contaminations plus que quintupler entre avril et
mai. Mais il faudra plus que des chiffres pour altérer « l’éternel
optimisme » de la soignante, qui se prend à rêver d’une accalmie d’ici
un mois, « pouvoir crier victoire et prendre enfin des vacances pour
profiter en famille ». Et s’il faut atteindre quelques mois de plus ?
Elle « fera face, avec philosophie », elle est prête.