Coronavirus en Afrique, des visages aux avant-postes du combat
Médecins ou officiels, vétérans d’Ebola ou du Sida, connectés ou vieille école, un peu partout en Afrique des acteurs de la santé ont été propulsés ou sont revenus en pleine lumière avec le Covid-19.Zweli Mkhize (Afrique du Sud) : la force tranquille
« Restez
calme, concentré et courageux »: ces mots adressés aux Sud-Africains
dans une vidéo pourraient être la devise du ministre de la Santé, Zweli
Mkhize.
Médecin
nommé ministre en 2019, Zweli Mkhize, 64 ans, a pris la tête du combat
contre la pandémie dans le pays le plus touché d’Afrique. Il parcourt
infatigablement le territoire, rencontre responsables et acteurs de
terrain dans les townships, briefe à la télévision et enfonce le clou
sur les réseaux sociaux. Le rédacteur en chef de l’hebdomadaire City
Press, Mondli Makhanya, le dit « intelligent, malin et capable ».
Zweli
Mkhize a tiré les leçons du passé. Il assumait des responsabilités
provinciales à l’ANC (au pouvoir) quand, au plus fort de l’épidémie de
sida, le président Thabo Mbeki (1999-2008) niait le lien entre le virus
HIV et le développement de la maladie. Il avait écrit à Mbeki pour le
conjurer d’agir. Mbeki avait fini par céder à une pression massive et
autoriser la distribution d’antirétroviraux.
Yvonne Aki-Sawyerr (Sierra Leone) : efficacité, foi et sourire
La
maire de Freetown, la capitale de la Sierra Leone, se démène dans l’un
des pays les plus pauvres du monde, distribuant masques et produits
sanitaires sur les marchés. La moitié de ses administrés n’ont pas accès
à l’eau courante, alors il s’agit de très vite leur « donner les moyens »
de la prévention. Yvonne Aki Sawyerr, 52 ans, diplômée à Londres, est
une professionnelle de la finance. Elle a mis cette expérience, comme
directrice de la planification, au service du combat contre Ebola
(2014-2016), puis du redressement du pays.
Armée
de sa détermination souriante et de sa foi chrétienne, c’est en fixant
des objectifs précis qu’elle promet de « transformer » la capitale d’un
million d’habitants qui l’a élue en 2018.
Son
action contre Ebola lui a valu l’Ordre de l’Empire britannique décerné
par la reine Elisabeth II. Elle a donné l’exemple en s’auto-confinant
pendant deux semaines à son retour d’un voyage à l’étranger au début du
Covid-19.
Jean-Jacques Muyembe (RDC): à l’épreuve d’Ebola
Le
virologue congolais Jean-Jacques Muyembe est sans doute le seul
responsable sanitaire au monde à gérer deux urgences sanitaires de
portée internationale, avec le Covid-19 et Ebola dans l’Est de la
République démocratique du Congo (RDC).
Discret,
affable, il fait 10 ans de moins que ses 78 ans avec ses favoris et ses
chemises Vichy. Sa vie est étroitement liée aux 10 épidémies d’Ebola
qui ont sévi en RDC. En 1976, il faisait partie des premiers chercheurs à
se rendre sur le terrain de cette maladie alors inconnue, travaillant
sans protection. Il a joué un rôle prééminent dans l’identification du
virus de la fièvre hémorragique et dans son traitement.
Son
image a été brouillée ces derniers jours quand il s’est dit prêt à
tester en RDC un vaccin anti-Covid-19 qui serait produit à l’étranger,
suscitant colère et incompréhension parmi les Congolais et les
Africains. Le « général » Muyembe a fait marche arrière: « Je suis moi-même
congolais et je ne permettrai jamais qu’on utilise les Congolais comme
cobayes ».
Moussa Seydi (Sénégal) : les malades avant tout
« Être
sous les feux de la rampe, ça m’est parfaitement égal ; ce qui ne m’est
pas égal, c’est la prise en charge de mes malades », dit l’infectiologue
qui coordonne la prise en charge des contaminés au Sénégal.
C’est
au nom de cet engagement que Moussa Seydi, 56 ans, a choisi de marcher
sur les pas du professeur français Didier Raoult et de généraliser la
prescription de l’hydroxychloroquine à l’hôpital. Avec prudence, le chef
de service des maladies infectieuses à Dakar cite le recours à cet
antipaludique, au coeur d’une querelle d’experts, comme un des facteurs
possibles du bilan relativement favorable du Sénégal.
À
neuf ans, ce fils d’un agent technique de levage disait: « Moi, je veux
être médecin et rien d’autre ». Il a aujourd’hui l’oreille des
gouvernants. Mais il demeure « vraiment un praticien, pas un
bureaucrate », qui revendique d’avoir vu pratiquement tous ses malades.
Malachie Manaouda (Cameroun) : jeune et connecté
À
46 ans, le ministre de la Santé, le Dr Malachie Manaouda, est le plus
jeune membre du gouvernement et la personnalité phare de la lutte contre
l’épidémie au Cameroun.
Chaque
jour sur Twitter, il rend compte des nouvelles contaminations, du
matériel reçu, des mesures adoptées. Hyper-connecté, il répond
directement aux internautes.
Une
communication qui contraste avec le silence du président Paul Biya et
qui détonne au Cameroun, où le pouvoir est fortement centralisé et en
grande partie exercé par des hommes âgés.
Nombreux
sont ceux qui louent sa « modernité » et sa proximité avec le peuple. Il
en agace d’autres, qui l’accusent de créer la psychose en annonçant
chaque jour des contaminations toujours plus nombreuses. Face aux
critiques, le ministre a suspendu la publication de ses bilans
quotidiens, qu’il a toutefois reprise vendredi. « Vos tweets nous ont
manqué Excellence »,
« Merci
pour ces données, M. le Ministre. Votre silence nous inquiétait déjà,
votre présence nous rassure », ont salué des internautes.