Covid-19 : l’écologie sera-t-elle sacrifiée au nom de la relance économique ?

Covid-19 : l’écologie sera-t-elle sacrifiée au nom de la relance économique ?
Des jeunes manifestants, le 24 mai 2019, à Strasbourg, demandent à la classe politique d'agir contre le réchauffement climatique.

Entre une partie du patronat qui souhaite assouplir les contraintes environnementales pour favoriser la relance économique et ceux qui militent pour un plan de relance misant sur la transition écologique, la bataille d’influence fait rage.

En attendant une position tranchée du gouvernement ou d’Emmanuel Macron sur le poids que prendra la transition écologique dans le plan de relance économique, acteurs économiques et défenseurs de l’environnement tentent de faire pencher la balance en leur sens.

Le Medef et l’Association française des entreprises privées (Afep) ont récemment plaidé pour une mise entre parenthèses de certaines normes environnementales futures en raison de la crise du coronavirus, a révélé, mercredi 22 avril, le Canard Enchaîné.

Le courrier adressé par le syndicat patronal, le 3 avril, à la ministre de la Transition écologique Élisabeth Borne, et publié dans son intégralité jeudi 23 avril par le Journal du Dimanche, réclame entre autres un « moratoire » sur les décrets d’application de la loi du 10 février contre le gaspillage et pour l’économie circulaire.

>> À lire : Congés, temps de travail, réduction de la dette : l’après Covid-19 sous le signe de l’austérité ?

Cette loi prévoit notamment la création de nouvelles filières pollueur-payeur, l’interdiction pour les grandes surfaces ou les plateformes en ligne de détruire les invendus non alimentaires en 2022 ou la suppression des contenants en plastique dans les fast-food en 2023.

Dans une note, l’Afep vise aussi la réglementation européenne et réclame par exemple de « reporter d’un an » la révision de la directive sur les émissions industrielles de CO2.

« Aucune logique de moratoire »

Contacté par France 24, le ministère de la Transition écologique a confirmé avoir reçu ces demandes, se disant « à l’écoute des préoccupations de tous les acteurs dans cette période difficile ». « Des ajustements de calendriers sont envisageables au cas par cas pour prendre en compte la période de confinement qui a rendu impossible la poursuite de certains travaux de consultation ou de préparation préalables à la mise en place de certaines mesures », répond ainsi le cabinet d’Élisabeth Borne.

Néanmoins, « il n’y a aucune logique de moratoire, il n’y a pas de remise en question des objectifs et des mesures écologiques du gouvernement, qu’ils soient prévus dans la loi énergie climat, la loi d’orientation des mobilités ou encore la loi sur l’économie circulaire », assure le ministère.

>> À lire : Covid-19 : la question des inégalités exacerbée par la crise sanitaire

Élisabeth Borne fait partie des dix-sept ministres de l’Environnement européens signataires d’un appel pour que les plans de relance dans l’Union européenne prennent en compte les questions liées à l’environnement et au climat. « Nous devons résister à la tentation de solutions à court terme en réponse à la crise actuelle qui risquent d’enfermer l’UE dans une économie basée sur les énergies fossiles pour des décennies », disait notamment le texte publié sur le site climatechangenews.com.

Mais au-delà des grandes déclarations de principe, les premiers signes concrets envoyés par le gouvernement ne semblent pas favorables à un « monde d’après » très différent du « monde d’avant » la crise sanitaire.

Dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, les députés ont voté le 18 avril une aide de 20 milliards d’euros pour recapitaliser un certain nombre d’entreprises dites stratégiques, parmi lesquelles figurent les géants industriels français des secteurs de l’aéronautique et de l’automobile comme Airbus, Air France ou Renault.

« Une défaite du politique et de la parole d’Emmanuel Macron »

Pour Greenpeace France, Les Amis de la Terre et Oxfam France, cette aide « s’apparente à un chèque en blanc aux grands pollueurs des secteurs aérien, automobile et pétrolier ». Ces trois ONG déplorent que l’aide financière offerte par l’État ne soit pas conditionnée à un plan de transformation compatible avec les objectifs fixés par l’accord de Paris, les contraignant notamment à « réduire drastiquement leurs émissions de gaz à effet de serre ».

« C’est une défaite du politique, de la démocratie et de la parole d’Emmanuel Macron, qui prétend ‘transformer le capitalisme’ et que le jour d’après ne ressemblera pas au jour d’avant », déplore Clément Sénéchal, de Greenpeace France, dans un communiqué.

>> À lire : Covid-19 : comment le Code du travail a été détricoté pour relancer l’économie

Le gouvernement se défend en soulignant qu’un amendement proposé par la députée LREM Bérangère Abba et visant « une politique environnementale ambitieuse », selon les mots du ministre de l’Économie Bruno Le Maire, a été adopté. Celui-ci demande aux entreprises aidées par l’État « d’intégrer des objectifs de responsabilité sociale, sociétale et environnementale dans leur stratégie, notamment en matière de lutte contre le changement climatique et de respect de l’accord de Paris ».

Thierno

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Si vous souhaitez recevoir votre revue de presse par email chaque matin, abonnez ici !