Covid-19 : Des universitaires appellent à tenir compte des déterminants socioculturels des habitudes alimentaires
Le médecin et nutritionniste
Ismael Thiam, et Dr Aminata Niang, socio-anthropologue, soulignent la
nécessité de « prendre en compte les déterminants socioculturels des
habitudes alimentaires des Sénégalais dans les stratégies d’amélioration
de la sécurité alimentaire et nutritionnelle’’, dans le contexte de
lutte contre le coronavirus.
M. Thiam est également titulaire d’un diplôme de marketing et de
communication de l’Université Gaston-Berger de Saint-Louis, et Dr
Aminata Niang est chercheure associée à l’Initiative prospective
agricole et rurale (IPAR), un centre de recherche sur les politiques
publiques relatives à l’agriculture et au monde rural en Afrique de
l’Ouest.
« Dans une situation de pauvreté, même dans le contexte de la crise
liée à l’infection au Covid-19, il sera difficile d’opérer des
changements notables des comportements et des pratiques en matière
d’alimentation. Celle-ci ne se limitant pas à une ingestion de
nourriture, elle a des implications fortes au plan
anthropo-sociologique, économique et juridique’’, affirment les deux
universitaires dans une tribune parvenue à l’APS.
Il est « important, dès lors, de prendre en compte les déterminants
socioculturels des habitudes alimentaires des Sénégalais dans les
stratégies d’amélioration de la sécurité alimentaire et
nutritionnelle’’, soulignent-ils.
Les deux universitaires insistent sur l’importance d’avoir une
alimentation adaptée à un éventuel confinement des populations, une
mesure à ne pas écarter dans la lutte contre la pandémie de coronavirus
au Sénégal.
Ismael Thiam et Aminata Niang rappellent le caractère complexe du
processus d’une bonne alimentation, lequel exige de « produire des
aliments, les stocker, les transformer, les préparer et les consommer
dans des conditions d’hygiène correctes et de contrôle qualité’’.
« Ce processus, rappellent-ils, requiert des politiques (alimentaires,
sanitaires, environnementales, éducatives, sociales…) adossées à un
cadre légal et mises en œuvre de manière effective. »
Selon eux, bien qu’étant pour l’instant les solutions appropriées, le
confinement partiel, la distanciation sociale et la limitation de la
mobilité interrégionale préconisés par les autorités « pourraient
engendrer une inaccessibilité soutenue à une alimentation de qualité,
nutritive et diversifiée’’.
Il y a aussi un risque de « perturbations du marché du travail et du
marché alimentaire, qui sont occupés majoritairement par des acteurs
exerçant dans le secteur agricole et le secteur informel’’, préviennent
les deux universitaires.
Ils estiment que « ces perturbations auront une forte incidence sur les
revenus des acteurs de la chaîne de valeur agricole et
l’approvisionnement des marchés urbains en céréales, légumes et fruits,
de même que l’approvisionnement en poissons dans les zones enclavées du
pays’’.
« Comme un effet domino, poursuivent-ils, ces perturbations vont
entraîner une baisse du pouvoir d’achat des consommateurs, et le choix
des produits de consommation devant garantir une diversification
alimentaire risque ainsi d’être marginal.’’
Mais si pour le moment « les populations n’ont pas à craindre une
pénurie de denrées alimentaires’’, ajoutent Ismael Thiam et Aminata
Niang, « ce sont les mesures restrictives (fermeture de certains marchés,
réduction de leur durée d’ouverture, limitation de la mobilité des
transporteurs…) qui engendrent des craintes, car ils limitent l’accès
des populations aux denrées alimentaires’’.
Les auteurs de la tribune mettent en garde contre « cette situation
ne fera qu’exacerber le double fardeau de la malnutrition, en ce sens que les aliments hypertransformés vont davantage se substituer aux produits en provenance des chaînes de valeurs courtes, comme celles de l’agriculture familiale’’. Une agriculture qui, selon eux, « occupe surtout les femmes avec leurs multiples fonctions et responsabilités sur la production et la transformation des produits agricoles, la reproduction, les soins aux enfants, aux adultes et personnes âgées, la gestion de la famille entre autres charges’’.