Les pays africains face au péril: A chacun son «Plan de riposte»…
Pauvres et très endettés, nos pays ont accueilli, malgré eux, la pandémie du covid-19 avec les tares qui caractérisent leurs économies et leur systèmes sanitaires. N’ayant pas le choix, chacun a lancé un plan de guerre, ou plan de riposte, pour essayer de conjurer péril.
Le 23 mars dernier, c’est le président Macky Sall qui s’est lancé. Après une longue réunion d’urgence avec sa Task-force, le Président sénégalais s’adresse à la nation : il déclare l’état d’urgence, instaure le couvre-feu et annonce un plan de riposte qui sera nourri par un fonds de 1000 milliards de francs Cfa. Son objet: faire face à la pandémie sur le plan sanitaire, soutenir l’économie et venir au secours des ménages.
Mais, le chef de l’Etat sénégalais a été précédé dans cet exercice par plusieurs de ses pairs du continent. Le Président nigérien, Mamadou Issoufou, avait déjà annoncé, le 27 mars 2020, un plan de riposte pesant 597 milliards de francs Cfa. Son gouvernement a décidé de prendre en charge, pour un bimestre, les tranches sociales des factures d’électricité et d’eau des ménages, avec une distribution gratuite de denrées aux plus nécessiteux.
Alpha Condé, se lancera le 6 mars avec un Plan de riposte économique de 3 500 milliards de francs guinéens. Au Burkina, le Président Kaboré a annoncé une batterie de mesures adossées à un budget de 394 milliards de francs Cfa. En Côte d’Ivoire, Alasane Dramane Ouattara a lancé un Plan de Soutien économique, social et humanitaire évalué à 1700 milliards de francs Cfa. Lui aussi, a décidé de la prise en charge des factures d’électricité d’un million de ménages abonnés au tarif social pour avril et mai.
Plusieurs autres président de la sous-région et du continent ont suivi cette voie. Chacun a essayé de faire avec les moyens du bord. Certaines mesures sont prises pour appuyer les ménages, d’autres à caractère fiscal ou budgétaire ont pour objectif, de venir en aide aux secteurs de l’économie les plus touchées. Une dynamique unitaire régionale aurait-elle été plus productive? Ces plans suffiront-ils à enrayer la pandémie et à relancer l’économie ?
Pour Moubarack Lô, Ingénieur statisticien-économiste, la vraie relance se fera, lorsqu’on sortira de la crise sanitaire. «Parce qu’aujourd’hui, même si on donnait des crédits et des liquidités, les entreprises ont leur personnel confiné donc sur une bonne partie, les consommateurs aussi sont confinés, donc les entreprises ne pourront pas tirer de façon optimale les efforts de relance», explique-t-il.
Et selon le Directeur général du Bureau de Prospective Économique (Bpe), dans la mise en œuvre de la stratégie, opérer un bon ciblage s’avèrera très important. Il faudra miser sur le bon cheval: «On peut déjà, aujourd’hui, utiliser certains canons pour amortir le choc. Parce qu’il y a des secteurs qui ne sont pas exposés sur l’international. Ces secteurs ne vont pas être affectés lourdement par la crise au niveau international et la réduction des échanges. Cibler ces secteurs peut permettre de générer de la croissance et amortir le choc.»
Comparés aux milliers de milliards de dollars des Usa ou les centaines de milliards d’euros des pays européens, les budgets des plans d’urgence ou de riposte de nos pays pourraient paraître être perçues comme dérisoires. Mais, pour Moubarack Lô, c’est leur utilisation qui fera la différence.
«La taille c’est important. Mais, le plus important, c’est le ciblage. Donc pour chaque pays il faut voir la destination réelle de cet effort budgétaire et l’utilisation des ressources. Parce que si vous donnez les ressources à des entreprises qui vont les mettre dans des banques pour attendre des jours meilleurs, vous n’aurez pas d’effet de relance sur le court terme», indique-t-il.
La banque mondiale aussi a son avis sur les stratégies déployées par nos Etats pour faire face à la crise. Dans son rapport Africa’s Pulse, publié ce jeudi, elle estime qu’il «faudra, adapter la réponse politique de manière à refléter les caractéristiques structurelles des économies africaines et les contraintes particulières auxquelles sont confrontés les responsables politiques, notamment le rétrécissement considérable de l’espace budgétaire et la forte diminution de la capacité opérationnelle de réponse.»
À cause de l’efficacité réduite des politiques monétaires, la réponse politique de nos pays est essentiellement budgétaire. Et donc, avec nos ressources, il faudra «centrer la stratégie sur le double objectif de sauver des vies et protéger les moyens d’existence », selon la Bm. Ce qui implique à court terme «une combinaison de mesures palliatives et de mesures de stimulation pour garder l’économie en état de marche».
«Les mesures devraient viser à renforcer les systèmes de santé, à fournir aux travailleurs (formels et informels) une aide en espèces et en nature, à fournir un soutien de trésorerie aux entreprises viables (formelles ou informelles), et à garantir la prestation des services publics », suggère la Banque mondiale.
En somme, ces stratégies suffiront-elles vraiment à éloigner nos pays du péril ? Les prochains mois nous édifieront. En attendant, la pandémie gagne chaque jour un peu plus de terrain sur le continent.