Pandémie à coronavirus et risques multiples: Un appel profond à l’introspection
(Par Dr Elhadji Mounirou NDIAYE)
La présente catastrophe qui secoue l’humanité appelle à une infinité d’interprétations. Il faut en faire une sorte d’observation circulaire pour ainsi comprendre que chaque angle d’interprétation pourrait donner la même forme de projection de conscience. Cette pandémie doit en effet être disséquée sous le double angle matériel et spirituel et sous tous les angles, environnementale, écologique, sociologique, anthropologique, théologique, économique, scientifique, géopolitique, etc. Il faut ainsi d’abord observer que le cercle est la forme dédiée à l’équilibre, et que la terre, la lune et les autres éléments de l’univers gravitent chacun en équilibre suivant un orbite explicite. Cela est vraiment révélateur et plein d’enseignements pour les doués d’intelligence.
Le Coran révèle : « En vérité, dans la création des cieux et de la terre, et dans l’alternance de la nuit et du jour, il y a certes des signes pour les doués d’intelligence qui, debout, assis, couchés sur leurs côtés, invoquent Allah et méditent sur la création des cieux et de la terre (disant): Notre Seigneur ! Tu n’as pas créé cela en vain. Gloire à Toi ! Garde-nous du châtiment du Feu ». Sourate 3, Versets 190 et 191.
L’équilibre est donc la réalité la plus essentielle parmi toutes les réalités illusoires que représente la matière. L’existence humaine est régie par c< ette dualité entre les forces négatives et les forces positives, entre les forces du bien et les forces du mal, bien explicitées dans les deux dernières sourates du Coran. Cette réalité duale peut être bien saisie à partir des trois autres versets du Coran suivants :
- « Et de toute chose Nous avons créé [deux éléments] de couple. Peut-être vous rappellerez-vous ? ». Sourate 51, Verset 49. Donc, au-delà de la dimension mâle/femelle, il faut comprendre que le couple caractérise également toute autre chose en dehors du touchable (palpable), notamment les couples bien et mal, positif et négatif, visible et invisible, matériel et spirituel, jour et nuit, matière et ondes, etc.
- « Nous avons, certes, créé l’homme pour une vie de lutte ». Sourate 90, Verset 4. Depuis que notre grand père Adam (HS) a été descendu de son gite initial (le paradis), l’homme est tenu d’œuvrer pour sa subsistance, et sa quiétude dans une terre où il est tenu de respecter les équilibres de son organisme et de son environnement.
- « À côté de la difficulté est, certes, une facilité ! ». Sourate 94, Versets 5 et 6. Le travail d’abord et la jouissance après, et la réussite est au bout de l’effort, pour ainsi dire qu’après la pluie, il y aura le beau temps. Ainsi chaque aisance dont profite l’homme doit être justifiée par un effort et une endurance préalables (travail, efforts, épreuve).
A la lumière de ces versets coraniques précités, il est clair que l’homme est tenu de suivre les équilibres cosmiques dont il a une connaissance limitée, en respectant les équilibres de son corps et de son environnement. A défaut de ce comportement, il est responsable des conséquences que peuvent occasionner les déséquilibres dont il est l’auteur. A ce propos, le Coran a révélé : « Et ne vous jetez pas par vos propres mains dans la destruction. Et faites le bien. Car Allah aime les bienfaisants ». Sourate 2, Verset 195. Ainsi, si l’existence humaine était assimilable à un appareil, les livres révélés (Tora, Bible et Coran) en seraient les notices explicites pour son utilisation.
Depuis 1789 que les pouvoirs politiques se sont inscrits dans une dynamique d’éloignement vis-à-vis des religions et des écrits saints, des crises de plus en plus virulentes ont secoué l’humanité. Cette dernière a ainsi troqué les enseignements suprêmes provenant de son Seigneur avec ses propres idéologies qui n’ont pas encore fini de montrer leurs limites. C’est pourquoi, l’humanité est actuellement à l’image de ces connaissances et idéologies humaines dominantes qui ont inspiré son évolution actuelle. La profanation excessive des équilibres des écosystèmes, dont la plus grande empreinte est subie par l’environnement et l’alimentation, s’est traduite par la dégradation de la santé humaine (obésité, maladies cardio-vasculaires, diabète, cholestérol, etc.), de même que par des dérèglements climatiques causés par une course effrénée à l’accumulation de richesses en surplus excessifs. L’humanité crée largement plus de richesses qu’elle n’en a globalement besoin. Le développement durable est ainsi un vain mot, théorisé sans pratique réelle par les hétérodoxes, qui ont raison sur la possibilité d’une décroissance et d’un partage sur plusieurs années.
Le monde n’a jamais été autant riche, mais n’a paradoxalement regorgé d’autant d’incidences de pauvreté et d’inégalités. Le produit mondial brut par habitant est passé, en dollars courants, de 2 536 US Dollars en 1990, à 11 300 US Dollars en 2018, ce qui signifie qu’en termes réels, compte tenu de l’inflation, le revenu réel créé par habitant de la planète a augmenté de manière fulgurante durant les trente dernières années selon les chiffres de la Banque mondiale. Le produit mondial brut a dépassé la barre des 90 000 milliards de dollars en 2019, avec un potentiel d’épargne qui dépasse les 25 000 milliards Us Dollars. Une Zakat (droit du pauvre sur la richesse du musulman selon l’Islam) de 25 pour mille appliquée à ce potentiel d’épargne constituerait 625 milliards US Dollars, au moment où, avec son maigre budget annuel de 2,6 milliards de dollars, la FAO estime ses besoins à moins de 50 milliards de US Dollars annuels pour s’occuper des populations affamées de toute la planète.
Et malgré l’existence de 2 milliards d’individus en situation d’extrême pauvreté à travers la planète, on continue de jeter près de 100 millions de tonne de nourritures chaque année dans le monde surtout en occident, sans oublier le transport, le stockage et la gestion des détritus de ces importantes marchandises inutilisées. Cela repose ainsi sur le gaspillage de plus d’un milliard de baril de pétrole ayant finalement pollué inutilement. L’accumulation de richesses n’a jusqu’à présent rendu à ses auteurs qu’un double service dont l’humanité peut concrètement se passer : la contemplation, la sensation d’un pouvoir illusoire et la quête d’hégémonie sur les autres. C’est d’ailleurs ce qui a fait échouer pratiquement tous les sommets sur l’environnement depuis Rio en 1992, puisqu’aucun Etat n’a jusqu’ici accepté de faire des concessions sur ses objectifs de croissance économique et de puissance sur le plan géopolitique.
Ce n’est pas ce qui précède qui est le plus grave. La loi de l’accumulation du capital, s’est naturellement mutée en une loi sauvage du plus fort, avec l’incrustation d’une jungle politico-économique mondiale où l’injustice et l’entretien, exprès, d’inégalités de plus en plus profondes continuent d’écraser rudement les plus faibles, et dont les auteurs sont les oligarques au sein d’un même pays, les impérialistes d’un pays à l’autre et les dominateurs qui se sont assignés le rôle de gendarme du monde entier. Or l’existence humaine est une boite Karmique où les bonnes et les mauvaises actions mènent vers un équilibre où tout débordement positif ou négatif sera payé cash en bien ou en mal respectivement. Le Coran a bien averti : « Quiconque fait le bien, le fait pour lui-même; et quiconque agit mal, agit contre lui-même. Puis vous serez ramenés vers votre Seigneur ». Sourate 45, Verset 15. L’humanité est une conscience collective où les conséquences des actions négatives sont ressenties en même temps par tout le monde, aucun humain ne pouvant se départir du système. Je discutais en 2003, alors que j’étais étudiant à en France, avec un Grand homme de l’église à Lyon, qui m’a soufflé que l’Europe a payé par deux guerres mondiales, le tort lié à l’esclavage, et que le tort lié à la colonisation et à l’impérialisme capitaliste va se payer cash dans le futur.
Et pourtant, le Coran enseigne qu’Allah (SWT) comptabilise une fois un méfait et dix fois un bienfait. C’est donc inquiétant de constater que malgré cela les méfaits semblent être en position dominante et que la boîte karmique des générations actuelles déborde d’un solde très négatif que l’humanité est en train de payer. La projection matérielle de la conscience collective de l’humanité a été perpétuellement inscrite dans une mouvance d’ignorance et de mépris total des enseignements et des recommandations des prophètes qui, pourtant, ont puisé leurs enseignements auprès d’Allah (SWT). Mais les interdits ont été très profondément et ostensiblement violés : conflits, meurtres, corruption, malversations, vagabondage sexuel, jeux de hasard, alcool, homosexualité et beaucoup d’œuvres formes de dépravations dans les sociétés contemporaines. Nos gouvernements ont, par ailleurs, construit des stades, des arènes et de multiples autres infrastructures inutiles et d’expressions jouissives, en négligeant par exemple la santé et les hôpitaux en ce moment débordés de malades.
Et, depuis près d’un siècle, le sang continue de couler au nom de la croissance économique et du fonctionnement des complexes militaro-industriels. Des enfants ont été massacrés en Irak, en Libye, au Rwanda, en Palestine, pour de viles ambitions politiques, économiques et d’hégémonie. Et malgré un monde d’une richesse insolente, où la vie est de plus en plus facilitée par les nouvelles technologies, la communauté internationale a laissé, avec la plus grande indifférence, plusieurs dizaines ou centaines de milliers de jeunes africains périr dans les multiples épisodes d’émigration clandestine connus depuis les années 1990 à travers les océans. Mais en ce moment, un virus invisible qui n’a ni pièce d’identité, ni passeport, ni visa, ni autorisation s’est invité dans la quasi-totalité des pays dits développés en créant la panique et les inquiétudes que l’humanité vit actuellement. Cette situation doit mener chaque habitant de cette planète à l’introspection et à la méditation de cet ensemble de signes que la nature n’a cessé de nous montrer en avertissements.
Il faut oser le dire et le répéter : cette pandémie à coronavirus aura un impact économique et social sans précédent (et plus sous l’angle orthodoxe). La crise de la demande, va être ensuivie par une crise de l’offre qui risque de mener à la faillite d’un nombre incalculable d’entreprises de transport (surtout aériens), de distribution, de sociétés pétrolières, touristiques, financières, de même qu’un déclin de plusieurs activités libérales et informelles partout dans le monde. S’y ajoute qu’un nombre incommensurable d’entreprises dépendant de consommations intermédiaires et d’autres intrants, provenant de la Chine ou d’autres pays, sont déjà en arrêt de production. Cette situation sera terriblement ressentie en termes de chômage et de baisses des recettes publiques dans les pays vulnérables comme ceux de l’UEMOA.
Ces illustrations sont loin d’être exhaustives. Mais elles sont juste destinées à inviter à l’introspection au moment où la prévision à court terme de plus de 1000 milliards Us Dollars de pertes dues à cette pandémie au Coronavirus, devraient permettre à la communauté internationale de comprendre que c’est la nature qui cherche à lui parler. C’est à l’image d’un organisme humain qui, après une longue agression au sucre, manifeste un diabète. Ou un organisme agressé au sel ou au cholestérol et qui manifeste une hypertension ou une autre maladie de déséquilibre. Toutes ces maladies ne sont que des invites au rééquilibrage formulée par la nature. Dans le Coran, Allah (SWT) interdit de penser sur sa véritable forme mais sur cette nature observable, et suffisante à l’humanité pour comprendre Qui IL Est. Un Grand érudit sénégalais, aimait rappeler que si l’homme n’agit pas justement, c’est la nature qui rétablira l’équilibre. C’est, selon lui, ce qui se passe avec les cyclones qui se forment dans les océans et qui partent vers pays puissants pour causer des dégâts équivalents aux dégâts causés par ces pays au niveau des pays où ils partent semer la guerre.
Avec cette pandémie, c’est la nature qui parle réellement à l’humanité. Des décennies durant, l’homme s’est assez défoulé sur elle avec tous les excès, avec une accumulation de richesses n’ayant respecté aucun équilibre, ni entre les humains qui représentent une conscience unique d’interdépendances, ni vis-à-vis de la nature et des autres créatures. L’homme est d’une fragilité insoupçonnée et les richesses accumulées ne servent maintenant à rien, en plus d’être été le facteur central ayant mené à ces déséquilibres de la nature. Dans la sourate 104 du Coran, Allah (SWT) maudit ceux qui accumulent l’argent et le compte, pensant que cela les immortalise, alors que cela ne fera qu’accroitre leur malheur. Ces dirigeants africains qui ont détourné de l’argent public, savent maintenant que les villas de même que les fortunes planquées à l’étranger ne leur sont d’aucune utilité dans cette présente situation.
Mère nature veut respirer et veut revenir aux équilibres à travers un virus qui a ramené la pollution à son plus bas niveau. Aux arrêts de production, aux réductions des déplacements et aux restrictions dans les lieux de travail, il faut ajouter une nécessité encore plus importante : sonner l’ère de la décroissance et du partage.
Qu’Allah (SWT) exauce toutes les prières et sauve toute la planète.
Paix et Salut sur cet avertisseur irréprochable, Mouhammad.
Dr Elhadji Mounirou NDIAYE, économiste.