D’Alger à Istanbul, face au coronavirus, le déni et la censure
Les régimes algérien, égyptien et turc s’efforcent de contrôler l’information pour minimiser le bilan de la pandémie, au risque d’alimenter encore la défiance de leur population.
Chasse aux « fausses informations », médecins muselés et bilans laconiques… Dans plusieurs pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, le manque de transparence et le contrôle de l’information autour du Covid-19 alimentent les soupçons quant à l’ampleur de l’épidémie. En Algérie, en Egypte et en Turquie, où le déni le dispute à la censure dans la gestion de l’épidémie, la crise de confiance avec la population s’accentue. La courbe des décès et des contaminations y progresse lentement, mais inexorablement. La multiplication, depuis mi-mars, des mesures restrictives conforte pourtant le scepticisme face aux communiqués rassurants d’une « épidémie sous contrôle ».
Il aura fallu deux semaines aux autorités égyptiennes pour reconnaître que le pays, qui enregistrait 41 décès et 656 cas de contamination le 30 mars, était devenu un foyer épidémique. Après la confirmation d’un premier cas, fin février, chez une Américano-Taïwanaise de retour d’une croisière sur le Nil, suivi de dizaines d’autres parmi des touristes étrangers et des personnels du secteur, Le Caire a longtemps présenté le virus comme importé et circonscrit aux sites touristiques. Ce n’est qu’après l’apparition de cas dans d’autres provinces que le gouvernement a pris, mi-mars, des mesures : villages sous quarantaine, fermeture des lieux publics, suspension des liaisons aériennes…
Une correspondante du « Guardian » expulsée
Tout en se voulant rassurant sur l’ampleur de l’épidémie, le gouvernement a fait la chasse aux « fausses informations ». Au moins quinze personnes ont été arrêtées pour avoir questionné sur les médias sociaux l’ampleur de l’épidémie. A la suite d’un article paru dans le Guardian, le 15 mars, mentionnant une étude de scientifiques canadiens non publiée, qui estimait de 6 000 à 19 310 le nombre des contaminations début mars en Egypte, la journaliste Ruth Michaelson s’est vu retirer son accréditation et expulsée. L’argument du Caire selon lequel l’étude n’était pas validée scientifiquement a pris du plomb dans l’aile avec sa publication dans la revue scientifique The Lancet, le 26 mars.