Coronavirus : «Si le gouvernement panique, ce serait la catastrophe… »
Malgré la propagation du Coronavirus au Sénégal, l’État tarde toujours à prendre la mesure d’interdiction des rassemblements. Une situation analysée différemment par des spécialistes de la communication.
Le bilan ne cesse de grimper au Sénégal. Le nombre de malades du Coronavirus est porté désormais à 19. L’annonce a été faite hier vendredi, par les services du ministère de la Santé et de l’action sociale. Malgré cette propagation rapide en deux jours, l’État du Sénégal tarde encore à prendre des mesures pour interdire les rassemblements et les manifestations religieuses, comme le Daaka de Médina Gounass qui a démarré hier vendredi, la ziarra générale de Tivaouane prévue demain 15 mars, la 140e édition de l’Appel de Seydina Limamou Laye et le Magal de Kazu Rajab qui regroupe des centaines de milliers de Sénégalais chaque année, à la Cité religieuse de Touba.
«Le silence de l’Etat est incompréhensible»
Face à cette menace à la sécurité sanitaire des Sénégalais, l’enseignant-chercheur en Sciences politiques à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, Moussa Diaw invite le chef de l’État à prendre ses responsabilités. «On a vu la stratégie et les mesures qui sont prises par un certain nombre de pays qui sont concernés par la pandémie. Il fallait donc anticiper. On ne comprend pas dans ce contexte-là, comment il se fait que l’État sénégalais ne prenne pas des mesures idoines, notamment interdire les rassemblements des populations et les manifestations religieuses et d’autres formes de manifestations qui rassemblent les populations», s’interroge M. Diaw.
Il embraie, presque injonctif : «C’est maintenant, au nom du principe de précaution, que l’État doit prendre des mesures immédiatement pour interdire ne saurait-ce que de manière provisoire toute manifestation, comme l’ont fait la France et les autres. Parce qu’il s’agit de préserver la santé des Sénégalais et il s’agit de les protéger. Ça fait partie des fonctions du chef de l’État, de protéger les Sénégalais face à un danger qui est mondialisé. On ne comprend pas pourquoi on tarde à prendre ces mesures pour rassurer les populations. Parce que le Coronavirus se propage très rapidement. Il ne faut pas attendre que ça déborde pour prendre des mesures.
Gouverner c’est savoir aussi anticiper. Le président de la République est devant ses responsabilités. Parce que même certaines autorités religieuses ont mis l’État devant ses responsabilités et ont même exprimé leurs volontés de suivre les directives de l’État, les mesures qui seront édictées par l’État. Ces autorités religieuses sont prêtes à les respecter.» Face à cette situation, Moussa Diaw pense que la seule solution est de réunir les experts en matière de santé, les différentes confréries religieuses et les différentes sensibilités politiques pour écouter les experts et recevoir les consignes qui sont vraiment nécessaires.
«Quand nous franchissons la ligne rouge»
Professeur à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, Ibou Sané n’est pas du même avis. D’après l’enseignant chercheur en Sciences politiques il n’y a pas pour le moment, péril en la demeure. Pour lui, l’État doit éviter de faire peur à la population ou de créer la panique dans le pays. «L’État doit communiquer, toujours mettre au-devant de la scène les données statistiques pour que les gens se fassent une opinion. Il n’y a que 19 cas au Sénégal pour le moment, donc il n’y a pas à paniquer, rassure-t-il. Parce que nous avons de très bons médecins. Faisons confiance à nos médecins. Pourquoi s’alarmer ? Nous sommes dans un pays pauvre. Si le gouvernement panique, ce serait une catastrophe du point de vue économique. Quand nous franchissons la ligne rouge, c’est en ce moment qu’on doit prendre la décision pour interdire tout. Mais, il ne faut pas anticiper». Par ailleurs, le Politologue invite le gouvernement à prendre des mesures de sécurité et d’hygiène.