Un 49.3 dans le dossier des retraites ? LFI et majorité se renvoient la balle

Un 49.3 dans le dossier des retraites ? LFI et majorité se renvoient la balle

Alors que les débats s’éternisent à l’Assemblée à l’occasion de l’examen du texte, l’hypothèse d’un passage en force devient de plus en plus plausible.

Après six jours de débats à l’Assemblée nationale autour de l’examen du texte de la réforme des retraites, les députés ont adopté deux amendements. Dans le même temps, la majorité présidentielle l’assure : elle souhaite « aller au bout du débat », éviter le passage en force que constituerait un recours au 49.3. Du côté de l’opposition, essentiellement à La France insoumise, on affirme en revanche que les Marcheurs, en surjouant le « chaos », « préparent » cette option.

La majorité accuse la gauche de la gauche de l’« emmener » par l’obstruction vers un recours au 49.3. Personne ne veut porter le chapeau de l’usage de cet article de la Constitution qui permet de faire passer un texte sans vote à l’Assemblée. Mais au vu du blocage sur le projet visant à créer un système « universel » par points, alors que les députés en étaient toujours à l’article 1er au début du septième jour dimanche, le gouvernement pourrait dégainer rapidement cette « arme atomique ».

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« On ne va pas acter l’échec ! »

Dans la majorité et au gouvernement, on continue de l’écarter pour l’heure. Le ministre chargé des Relations avec le Parlement, Marc Fesneau, a redit samedi sa volonté d’« aller au bout du débat ». « On est au début […] On ne va pas acter l’échec ! » avait aussi lancé vendredi le rapporteur général Guillaume Gouffier-Cha (LREM). Mais Rémi Rebeyrotte (LREM) a prévenu : « Le plus sûr moyen d’aller vers le 49.3 […], que personne ne souhaite sur ces bancs, c’est l’obstruction. » Et s’il fallait « défendre cette option » sur le terrain, « j’expliquerais la mécanique » des oppositions, pour qu’« on ne nous considère pas comme responsables », fait valoir sa collègue Marie Lebec.

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Une poignée d’élus LREM de l’aile gauche ont fait savoir qu’ils ne « veulent pas » que le 49.3 soit considéré comme la « seule issue », d’autres grincent des dents car il faudra assumer devant les Français de ne pas avoir voté. Le patron du groupe MoDem, Patrick Mignola, a accusé les oppositions de vouloir « emmener » la majorité vers un « 49.3 à l’envers », c’est-à-dire contraint par l’obstruction, et non parce que la majorité ferait défaut. « Nous ne voulons pas qu’ils nous infligent cette brutalité. » Selon un ténor, LFI et PCF, avec leurs amendements en nombre, ont pour « stratégie » de « pousser le gouvernement au 49.3 » pour ensuite dire « gouvernement fascistoïde ».

« C’est quand même le comble »

De son côté, le chef de file des Insoumis Jean-Luc Mélenchon estime que l’« ambiance assez spéciale » qui règne à l’Assemblée depuis le début des travaux lundi est justement due à « la menace du 49.3 ». Il a réclamé que le gouvernement s’engage à ne pas y recourir. Et accuse exécutif et majorité de vouloir « interrompre le débat parce que ce débat les plombe », et de « chauffer l’opinion en donnant l’impression du chaos dans l’hémicycle » pour la préparer au recours à cet outil.

« Ils essayent de nous coller sur le dos le 49.3, c’est quand même le comble, c’est quand même pas nous qui décidons de ces choses-là », a-t-il lancé devant la presse. L’imputer aux Insoumis, c’est « le pompon ! » Selon son collègue Adrien Quatennens, la majorité essaye « de créer, à l’aide d’interruptions indignées à répétition, un climat favorable à l’usage de ce LBD parlementaire ». Quant au communiste Sébastien Jumel, il est convaincu que le gouvernement a « décidé d’y aller au forceps », un élu PS estimant aussi que gouvernement et majorité « cherchent des prétextes au 49.3 ».

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« Ils attendent que la machine puisse être bloquée »

Marine Le Pen (RN) a elle aussi reproché au gouvernement de vouloir « passer en force », sans « débat », samedi sur BFM TV. Côté LR, Guillaume Larrivé voit dans Jean-Luc Mélenchon « l’allié objectif » d’Emmanuel Macron. « Il lui offre l’alibi qui permettra » que le texte sorte de l’Assemblée « exactement comme il y était entré », a affirmé le député sur Twitter.

D’après Aurélien Pradié également, « ils attendent patiemment que la machine puisse être bloquée pour activer le 49.3, ce qui serait dramatique », a-t-il déclaré à Public Sénat. « Quand même, venir nous reprocher la volonté de l’obstruction, la volonté de refuser les débats… J’ai souvenir d’une publicité qui disait Tu pousses le bouchon un peu loin Maurice et je pense qu’on en est là », a lancé samedi le ministre Marc Fesneau.

Deux amendements adoptés… en six jours

Au sixième jour de débats toujours au ralenti sur la réforme des retraites à l’Assemblée, les députés ont adopté samedi sous les applaudissements de la majorité deux premiers amendements concernant les aidants familiaux et le handicap. Décliné à l’identique par des députés de divers bords, l’amendement concernant les aidants ajoute dans les principes généraux de la réforme leur prise en considération dans les objectifs de solidarité du système « universel » de retraite.

Le secrétaire d’État Laurent Pietraszewski s’y est dit favorable, comme le corapporteur Nicolas Turquois (MoDem), des élus saluant « un beau moment de consensus ». L’amendement, qui avait déjà eu un feu vert en commission spéciale auparavant, a été adopté à l’unanimité par 105 voix, sous les applaudissements debout de la majorité et de certains LR. « Merci pour cet enthousiasme », a salué au perchoir Sylvain Waserman (MoDem).

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Encore quelque 34 500 amendements à débattre

Dans la soirée, et également avec l’avis favorable du gouvernement, les députés ont adopté un deuxième amendement, proposé par des LR et des élus Libertés et territoires, prévoyant que le futur système de retraite tiendra compte de la situation des personnes ayant un handicap. Engagés dans une « partie de ping-pong infernale » depuis lundi, selon les termes d’un élu centriste, les députés vont poursuivre dimanche l’examen de l’article premier, avec quelque 34 500 amendements à débattre encore sur le projet de loi.

Face au blocage persistant, des responsables d’opposition dont l’Insoumis Jean-Luc Mélenchon ont proposé de revoir l’organisation des débats et de passer à un autre article. Mais la majorité, « pas dupe », a plutôt invité LFI et PCF à retirer leur flopée d’amendements. « Franchement, si vous vouliez qu’on aille vraiment sur les titres de fond […], eh bien allons-y, retirez vos sous-amendements une fois pour toutes et avançons », a ainsi lancé la présidente de la commission spéciale Brigitte Bourguignon

Souare Mansour

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